Sur le papier, la "March Madness", littéralement folie de mars, n'est que la phase finale d'une compétition entre étudiants.
Sauf que pendant vingt jours, ce tournoi tient en haleine tout un pays et que sa finale 2015 a été suivie par 28,3 millions de téléspectateurs, du jamais-vu depuis 18 ans, plus encore que la finale NBA entre Golden State et Cleveland.
Comme le Super Bowl, la finale de la Ligue nationale de football américain, la "March Madness" donne le tournis avec des chiffres ahurissants.
Pour pouvoir diffuser les 67 matches du tournoi, les géants de l'audiovisuel CBS et Turner Sports ont signé en 2010 avec la NCAA, l'instance qui chapeaute le sport universitaire aux Etats-Unis, un mirobolant contrat de 10,8 milliards de dollars sur 14 ans, soit 770 millions de dollars par an.
Durant l'édition 2015, selon le cabinet spécialisé Kantar Media, 1,19 milliard de dollars ont été dépensés en publicité durant le tournoi, ce qui en fait "le deuxième événement sportif le plus important pour les annonceurs après le Super Bowl".
- Plus d'argent qu'en NBA -
"Depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980, s'est mis en place un cercle vertueux avec plus grande exposition à la TV du basket universitaire, ce qui génère de plus en plus de fans et de spectateurs, ce qui fait progresser la valeur du produit", analyse Marc Edelman, professeur de droit à la Zicklin School of Business.
"Les universités les plus performantes génèrent autant d'argent, sinon plus, que certaines équipes de NBA", poursuit-il.
Et de citer l'exemple de l'entraîneur de Duke, le très respecté Mike Krzyzewski, ou "coack K", qui émarge à un salaire annuel avoisinant les sept millions de dollars, sans compter ses contrats publicitaires, comme une star de la NBA!
Si les universités et la NCAA empochent des dizaines de millions de dollars chaque année, les joueurs, eux, n'ont pas le droit de toucher le moindre salaire ou même d'être indemnisés, comme le stipule le très tatillon règlement NCAA.
"Leur scolarité et leur hébergement sont pris en charge", rappelle Marc Edelman pour qui la NCAA, qui fait l'objet de plusieurs procédures en justice pour ententes illégales, est dans une situation unique: "Tout autre secteur d'activité où les employeurs se sont mis d'accord pour ne pas payer leur main d'oeuvre, serait obligé de cesser ses activités".
Alors que le Championnat NCAA était jusque dans les années 1990 un passage obligé vers la NBA emprunté par Kareem Abdul-Jabbar, Magic Johnson et Michael Jordan, son règlement le prive désormais des plus grands talents: à l'image de LeBron James et Kobe Bryant. Certains passent en effet directement du lycée à la NBA, ou ne s'y attardent qu'une saison avant de toucher le jackpot en NBA où le salaire pour un "rookie" est compris entre un million et cinq millions de dollars.
- Obama aussi -
Mais la "March Madness" a, et aura toujours, plusieurs atouts que même la NBA lui envie.
En premier lieu, la passion de ses supporteurs attachés à vie à l'université où ils ont étudié: à la différence des matches NBA où les spectateurs s'enflamment rarement, les matches NCAA sont comparables par l'ambiance à celle de matches de football en Europe ou Amérique du Sud.
La "March Madness", avec sa formule à élimination directe, réserve aussi d'incroyables surprises avec des +Petit Poucet+ qui font chuter des favoris, comme Villanova sacré champion en 1985 à la surprise générale.
Enfin, "ce qui rend ce championnat populaire, même si la NCAA en parle rarement, c'est l'événement qui génère le plus de paris après le Super Bowl", note Marc Edelman.
Quelque neuf milliards de dollars seront pariés durant vingt jours, selon l'Association américaine des jeux d'argent.
Il y a aussi la folie des pronostics, avec ou sans argent en jeu: chaque année, 60 millions d'Américains remplissent des grilles de pronostic et: même le président Barack Obama sacrifie au rituel, avec un chance plus qu'infime (1 sur 9,2 quintillons) de prédire la grille parfaite, soit autant de chances que d'être frappé deux fois par la foudre...
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