Ouvert par un discours du Premier ministre Manuel Valls, ce rassemblement place Beauvau de quelque 150 dirigeants et acteurs de terrain, sans compter les représentants des pouvoirs publics, sera conclu par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
L'instance s'est réunie pour la première fois en juin 2015 dans le but de nouer un dialogue plus large que les échanges, "profitables mais pas suffisants" selon la Place Beauvau, qu'entretient l'Etat depuis 2003 avec le Conseil français du culte musulman (CFCM).
En mal d'image, de diversité et de moyens, le CFCM peine à représenter les 2.500 lieux de culte (mosquées et salles de prière), et plus encore les 4 à 5 millions de musulmans, pratiquants ou non.
En associant imams, aumôniers, théologiens, sociologues et jeunes militants associatifs aux responsables du CFCM, des fédérations et grandes mosquées, l'Etat espère mieux répondre aux attentes et questions liées à la deuxième religion de France.
Les sujets n'ont pas manqué lors de la première réunion (lutte contre les actes antimusulmans, formation des cadres, construction des lieux de culte, amélioration de l'abattage rituel...), mais un dossier a brillé par son absence cinq mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher: la radicalisation jihadiste.
"Placer la première réunion sous l'angle sécuritaire aurait pu être vécu comme une forme de stigmatisation", expliquait alors le ministère de l'Intérieur. "Lors de la première instance, le sujet n'était pas mûr", dit-on aujourd'hui de même source. Le "problème a changé d'ampleur" avec les attentats du 13 novembre (130 morts), souligne encore la place Beauvau, convaincue que désormais "les responsables musulmans aspirent à être associés à la prise en charge de la radicalisation".
"C'est un sujet qui inquiète les Français et qui nous inquiète", confirme à l'AFP le secrétaire général du CFCM, Abdallah Zekri, qui souhaite une mise à contribution des sciences sociales de manière "à éclairer et non à excuser" la radicalisation violente, dit-il comme en réponse à Manuel Valls.
"En juin on a tourné autour du pot. Les attentats de novembre sont venus nous rappeler qu'il y avait tout un travail à mener sur le plan théologique car les groupes jihadistes comme Daech (l'organisation Etat islamique, NDLR) instrumentalisent la religion", souligne Mohammed Chirani, un consultant associé au réseau européen de vigilance face à la radicalisation RAN (Radicalisation Awareness Network).
- 'Eventail de propositions' -
Le sujet fera l'objet de quatre ateliers, dont un sous forme de "partage d'expériences". "On n'a pas de religion sur la manière dont la prévention doit être menée, et comme il y a une diversité de profils de radicalisés, on a tout intérêt à déployer un éventail de propositions", glisse-t-on dans l'entourage de Bernard Cazeneuve.
La Place Beauvau met en avant le suivi de près de 1.600 jeunes tentés par le départ pour le jihad irako-syrien, via les cellules préfectorales liées par conventions à diverses associations. Certaines structures impliquent déjà des religieux, comme le nouveau Capri (Centre d'action et de prévention contre la radicalisation des individus) à Bordeaux.
Mais ce paysage est encore instable et tâtonnant, et est en train de perdre un acteur important, le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI) de Dounia Bouzar. Hostile à la déchéance de nationalité, l'intervenante a refusé de renouveler son marché avec l'Etat au-delà du mois d'avril.
Un deuxième atelier sera consacré à la radicalisation en prison, où l'on compte sur des aumôniers musulmans plus nombreux, mieux formés et mieux rétribués pour endiguer l'influence d'imams autoproclamés.
Troisième chantier: développer des contre-discours, via les prêches dans les mosquées, sur les réseaux sociaux... "Si les salafistes tiennent 5% des mosquées, 90 à 95% de ce qu'on trouve sur internet relève de discours fondamentalistes", déplore une source à l'Intérieur.
Un quatrième atelier tentera d'ériger les jeunes en acteurs de la prévention, un défi colossal quand on sait combien l'islam français manque de structures pour accompagner leur émergence.
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