C'est dans un recoin de la cour du Palais de justice de Paris, encerclés par les caméras, que les deux camps, avec une symétrie presque parfaite, ont salué chacun son tour le sursis à statuer que venait de décider la commission d'instruction de la Cour de révision.
Cette commission avait trois possibilités: transmettre la demande à la Cour de révision, laquelle aurait le dernier mot sur l'organisation d'un nouveau procès, un événement qui reste exceptionnel en France.
La commission pouvait aussi la rejeter purement et simplement; ou sursoir à statuer, ce qu'elle a fait, faisant valoir que diverses plaintes déposées par Jérôme Kerviel, qui accuse son ex-employeur d'avoir manipulé l'enquête, étaient encore à l'instruction.
La commission a souligné dans sa décision, dont l'AFP a eu copie, qu'il était "dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'attendre le dénouement de cette instruction", et qu'ensuite seulement elle examinerait le "mérite" de la demande de l'ex-trader.
Ce que ce dernier a interprété comme une victoire: "Ca va être un long combat, on est prêt, j'ai confiance en l'issue de la procédure", a dit Jérôme Kerviel.
"Nous sommes particulièrement satisfaits de ne pas avoir été déboutés", a dit l'avocat de l'ex-trader Me David Koubbi, pour qui le sursis à statuer montre que la démarche en vue d'un nouveau procès est "fondée".
Me Koubbi, avant de partir, a lancé goguenard aux journalistes: "Lorsque nous céderons cette place et qu'elle sera encore chaude, les avocats de la Société générale viendront vous parler de victoire (...) mais je crois que les gens qui vous écoutent ont compris depuis longtemps que dans ce dossier quelque chose avait déraillé."
Cela n'a pas raté: "C'est une victoire pour la Société générale", ont été les premiers mots aux caméras de Me Jean Veil, avocat de la banque.
Pour lui, si la justice a décidé de reporter sa décision, ce n'est pas parce qu'un fait nouveau justifierait de rouvrir le dossier, mais parce que "prudemment, (elle) attendra que les instructions soient terminées" en ce qui concerne les plaintes de l'ex-trader.
Me Jean Veil, sous les lazzis de quelques partisans de Jérôme Kerviel, a par ailleurs assuré qu'il n'y avait "aucun doute" que la demande d'un nouveau procès serait finalement rejetée.
- "Défendre son honneur" -
Jérôme Kerviel et sa défense s'appuient en particulier sur le témoignage de l'ex-enquêtrice de la brigade financière Nathalie Le Roy, qui a dit avoir été manipulée alors qu'elle travaillait sur la colossale perte de la Société générale en 2008.
L'ex-trader, 39 ans, a été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme. Il avait finalement été remis en liberté conditionnelle en septembre 2014.
L'affaire Kerviel n'en finit plus de rebondir depuis huit ans déjà, autant dans les médias que dans les prétoires.
Lundi encore l'un des fervents partisans de Jérôme Kerviel, le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, appelait dans Le Monde la justice à "défendre son honneur et sa crédibilité dans cette affaire".
Le prochain épisode important pour l'ancien trader se jouera du 15 au 17 juin lorsque la cour d'appel examinera le volet civil de l'affaire, c'est-à-dire les dommages-intérêts réclamés par la Société générale.
La banque avait d'abord obtenu que Jérôme Kerviel soit condamné à rembourser l'intégralité de sa gigantesque perte, mais le jugement avait été cassé, au motif que les mécanismes de contrôle de la Société générale avaient failli.
Le résultat de ce procès civil intéresse aussi les finances publiques.
Le géant bancaire a touché 2,197 milliards d'euros en 2009 et 2010, de la part de l'État, au titre d'un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. La question de la restitution de cette somme pourrait se poser, si la cour d'appel devait pointer une importante responsabilité de la banque.
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