Opposition et régime de Damas, qu'un fossé abyssal sépare toujours après cinq ans de guerre, ont d'ailleurs rejeté unanimement la proclamation des Kurdes syriens: Damas a mis en garde contre "toute atteinte à l'unité du territoire et du peuple syrien", tandis que l'opposition mettait en garde contre "une aventure sans fondement légal".
Acteurs incontournables de la tentaculaire crise syrienne, les Kurdes, qui contrôlent désormais 14% du pays et les trois-quarts de la frontière syro-turque, ne sont pas associés aux pourparlers de Genève, en raison de l'opposition farouche de la Turquie, qui considère leur parti, le PYD, comme "terroriste" et craint les répercussions sur sa propre communauté kurde.
En annonçant un système fédéral et l'union de trois "cantons" kurdes (Afrine, Kobané et Jaziré) et les régions récemment conquises dans le nord syrien au sein de leur zone d'"administration autonome", les Kurdes adressent un "message politique" aux négociateurs de Genève, selon Mutlu Civiroglu, un expert basé à Washington interrogé par l'AFP.
Autre message, celui lancé depuis Moscou par Vladimir Poutine. Le président russe a prévenu qu'il pouvait redéployer ses avions "en quelques heures" dans le ciel syrien en cas de violation de la trêve, qui tient peu ou prou sur le terrain depuis le 27 février. "Ce n'est pas ce que nous voulons, une escalade militaire n'est pas dans notre intérêt", a ajouté M. Poutine, qui avait créé la surprise lundi en annonçant le retrait du gros des forces russes de la Syrie.
Selon l'armée russe, ce retrait devrait être achevé d'ici "deux à trois jours".
Ces déclarations et initiatives illustrent la fragilité du "contexte favorable" dans lequel se sont ouvertes les discussions de Genève lundi.
- Légitimité de l'opposition -
Les pourparlers indirects entre régime et opposition, menés sous l'égide de l'ONU, doivent être centrés sur les modalités de la transition politique en Syrie, afin de sortir d'un conflit qui a fait plus de 270.000 morts.
L'opposition regroupée au sein du Haut comité des Négociations (HCN), basé à Ryad, qui réunit des politiques et des représentants des groupes armés, doit rencontrer jeudi l'émissaire de l'ONU Staffan da Mistura pour la deuxième fois depuis le début de la semaine. L'occasion de "demander des clarifications" sur la tournure prise par le processus, selon une source au sein du HCN.
Car si l'opposition officielle est adoubée par les Occidentaux, elle est remise en cause par le régime de Damas et son allié russe.
Une deuxième délégation baptisée "Groupe de Moscou et du Caire", comprenant des opposants et des personnalités dont certains poussés par la Russie, a été reçue mercredi officiellement par M. De Mistura à l'ONU, semant le trouble au sein du HCN.
Le groupe de Moscou et du Caire, qui avait déjà réclamé une place à la table des négociations lors du précédent round en février dernier, comprend des figures comme Qadri Jamil, ancien vice-Premier ministre du régime d'Assad, Randa Kassis, une opposante laïque ou Jihad Makdissi, un ancien porte-parole du gouvernement. Il compte aussi en son sein d'autres opposants chrétiens, alaouites et assyriens.
"C'est un sujet hautement polémique, c'est crispant pour l'opposition, car ils ne veulent pas que le sujet sur leur représentativité retarde l'échéance du véritable débat et ralentisse les discussions", selon une source diplomatique occidentale.
La feuille de route internationale pour la transition politique en Syrie prévoit la constitution d'un organe de transition dans six mois, la rédaction d'une nouvelle Constitution et des élections législatives et présidentielle dans 18 mois.
Mais les interprétations sur cet organe de transition (gouvernement d'union élargi selon Damas, autorité ayant les pleins pouvoirs et excluant le président Bachar al-Assad selon l'opposition) constituent l'un des principaux points de blocage.
Les délégations de Damas et de l'opposition ont chacune présenté des propositions au cours de leurs entretiens avec M. de Mistura. Selon une source proche de la délégation gouvernementale, le régime a réaffirmé que la lutte contre le terrorisme constituait une priorité, prôné un gouvernement élargi et défendu l'intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie.
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