Markus Reichel, 32 ans, a été reconnu coupable de "haute trahison", un crime passible dans les cas les plus graves de la perpétuité, "violation du secret des renseignements" et "corruption" par la Cour régionale de Munich (sud).
Les juges bavarois lui ont infligé une peine inférieure aux dix ans d'emprisonnement requis par le parquet, qui l'accusait d'avoir mis la vie d'une source allemande à l'étranger en danger et doutait de la sincérité de sa confession.
"Il ment quand et sur ce qui l'arrange, tant qu'il peut en tirer profit", avaient lancé les procureurs Wolfgang Siegmund et Frank Stuppi, dépeignant un accusé mû par la cupidité et par un besoin démesuré de reconnaissance.
Jeune homme timide et légèrement handicapé, souffrant de troubles d'élocution depuis un problème de vaccination dans l'enfance, Markus Reichel avait expliqué sa double trahison par une envie "d'aventure", de "vivre quelque chose de nouveau et d'excitant".
- Nom de code 'Uwe' -
"Au BND (les renseignements extérieurs allemands), on ne me croyait capable de rien. A la CIA, c'était autre chose: là, on pouvait faire ses preuves", avait-il raconté mi-novembre à l'ouverture de son procès.
Entré au BND en décembre 2007, ce fils de la petite bourgeoisie est-allemande qui avait passé son adolescence reclus devant son ordinateur était chargé du courrier et de la gestion des fichiers, mais aimait se présenter en "agent de renseignement" auprès de ses proches.
A l'été 2008, il avait offert ses services par mail à l'ambassade des Etats-Unis à Berlin et s'était vu attribuer le nom de code "Uwe". Selon l'accusation, il a transmis jusqu'à son arrestation plus de 200 documents à la CIA, contre au moins 95.000 euros remis en liquide en Autriche.
"Je mentirais si je disais que cela ne me plaisait pas", avait-il admis à la barre.
Avec une désarmante facilité, il photocopiait "au hasard" des documents du BND, dont l'identité de certains personnels et des informations sur les activités de l'agence, les empochait et les envoyait de chez lui à son contact à la CIA, "Alex", par mail puis au moyen d'un programme sur un ordinateur portable fourni par les Américains.
- 'Comment ça ?' -
Au printemps 2014, il désire "expérimenter quelque chose de nouveau" et adresse un mail non crypté au consulat général de Russie à Munich, avec trois documents en copie destinés au renseignement russe, pour proposer sa collaboration.
Le message est cette fois intercepté par le BND et il est arrêté le 2 juillet 2014. Mais aux enquêteurs qui l'accusent d'espionnage pour la Russie, il répond d'abord, surpris: "Comment ça ? C'est pour les Américains que je travaille".
Cette confession suscite l'émoi dans une Allemagne déjà irritée par les révélations sur les écoutes d'un téléphone portable de la chancelière Angela Merkel par les services américains.
En pleine tempête diplomatique avec Washington, Berlin expulse un peu plus tard le chef de la CIA en Allemagne.
Lors de son procès, les deux avocats de la défense avaient réclamé que ses actes soient requalifiés en "activité d'agent pour un service secret d'une puissance étrangère", un délit nettement moins grave que la "haute trahison" et passible de cinq ans de prison au maximum.
Ils ont minimisé l'envergure de leur client, refusant d'en faire un espion de premier plan, assuré qu'il n'avait causé aucun préjudice au BND, et rappelé qu'il travaillait pour un service censé être "ami" de l'Allemagne.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.