Le juge fédéral Sergio Moro, en charge de l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras, a mis le feu aux poudres dans la soirée en rendant public l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre Mme Rousseff et Lula, intervenue peu après la nomination de ce dernier au gouvernement à la mi-journée.
La présidente y informe son prédécesseur (2003-2010) et mentor politique qu'elle va lui faire parvenir rapidement son décret de nomination. "Ne t'en sers qu'en cas de nécessité", lui dit-elle.
Cet extrait a été largement interprété comme la confirmation que l'un des objectifs de la nomination de Lula au gouvernement était de le protéger contre un éventuel placement en détention imminent dans le cadre du scandale de corruption Petrobras.
Une fois ministre, Lula bénéficie en effet d'un statut privilégié et ne peut plus pénalement répondre de ses actes que devant le Tribunal supérieur fédéral.
Le juge Moro l'avait fait interpeller brièvement le 4 mars à son domicile pour un interrogatoire sur des soupçons de "corruption" et de "blanchiment d'argent".
Dans d'autres écoutes téléphoniques, Lula dit s'attendre à une opération de la police lundi prochain à son domicile de Sao Paulo.
- "Démission ! Démission !" -
Ce rebondissement a provoqué une bronca au Congrès des députés et au Sénat où les parlementaires furieux de l'opposition criaient le poing levé "Démission ! Démission !".
Des milliers de Brésiliens indignés ont afflué dans la soirée devant la présidence de la République à Brasilia et dans la capitale économique Sao Paulo. Des concerts de casseroles ont retenti dans les quartiers aisés de Rio de Janeiro.
A Sao Paulo, la foule s'est massée sur la grande avenue Paulista, au pied du gratte-ciel abritant la puissante Fédération des industries de Sao Paulo (Fiesp), illuminé aux couleurs nationales vert et jaune et barré d'une énorme inscription: "Impeachment maintenant".
La présidence a riposté en annonçant que des "mesures judiciaires et administratives" seront prises pour "réparer la flagrante violation de la loi et de la Constitution commise par le juge" Moro.
Elle a soutenu que la présidente avait fait parvenir à Lula son décret de nomination uniquement pour qu'il le signe et qu'il devienne officiel, puisqu'il avait indiqué qu'il ne serait sûrement pas présent à Brasilia pour la prise officielle de fonction prévue ce "jeudi".
Or, le ministre de la Maison civile Jaques Wagner, qui a cédé son poste à Lula, avait indiqué dans la matinée que son successeur serait investi "mardi" prochain.
Empêtrée dans une crise politique majeure et visée par une procédure parlementaire de destitution chaque jour plus menaçante, la présidente avait publiquement appelé son mentor à la rescousse vendredi dernier.
Lula, qui a présidé au miracle socio-économique des années 2000, a une stature politique et une capacité de négociation qui fait cruellement défaut à la présidente au moment où sa coalition parlementaire menace d'imploser.
Samedi, le parti centriste PMDB, pilier de la majorité parlementaire au pouvoir, s'est donné 30 jours pour décider ou non de claquer la porte du gouvernement.
Ce parti, éclaboussé lui-aussi au plus haut niveau par le scandale Petrobras, est divisé entre pro et anti-gouvernement, chaque jour plus nombreux à mesure que le navire présidentiel sombre.
"L'arrivée de Lula va renforcer mon gouvernement", avait cru pouvoir se féliciter Mme Rousseff dans la soirée, avant que n'éclate la bombe de l'écoute téléphonique.
De nombreux internautes avaient ironiquement repris en boucle sur les réseaux sociaux une célèbre phrase prononcée par Lula en 1988 quand il était syndicaliste: "Au Brésil, quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient ministre !"
- "Nomination scandaleuse" -
L'opposition avait dénoncé une manoeuvre "scandaleuse".
"Au lieu de donner des explications et d'assumer ses responsabilités, l'ex-président Lula a préféré fuir (la justice ordinaire, NDLR) par la porte de derrière", a lancé le député Antonio Imbassahy, chef du groupe parlementaire du Parti sociale-démocrate brésilien (PSDB, centre-droit), la principale formation de l'opposition.
"C'est un aveu de culpabilité et une gifle à la société. La présidente, en l'invitant, se fait son complice. Le chapitre final de cette histoire sera la destitution" de Dilma Rousseff, a-t-il pronostiqué.
En marge du tumulte, le Tribunal suprême a fixé mercredi les règles du cheminement de la procédure de destitution lancée en décembre contre la présidente de gauche à l'initiative de l'opposition de droite.
La haute juridiction a ainsi donné le coup d'envoi de la reprise des hostilités au parlement dans un climat explosif.
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