Les dernières cabanes ont été enlevées dans l'après-midi, offrant le spectacle d'une vaste zone terreuse et irrégulière, jonchée de débris et de déchets. Fin février, cette zone de 7,5 hectares - sur un site de 18 ha - comptait 800 à 1.000 migrants selon la préfecture, 3.450 selon les associations.
Subsistent une poignée de "lieux de vie" - église, mosquée, école - dont le tribunal administratif avait ordonné la préservation.
Pour mener à bien la destruction de cette partie du bidonville, l'Etat avait d'abord compté sur le travail des "maraudes sociales" effectuées par des fonctionnaires. Elles devaient convaincre les migrants de rallier l'un des 112 centres d'accueil et d'orientation (CAO) disséminés en France, ou de rejoindre dans un premier temps le Centre d'accueil provisoire (CAP) composé de 125 conteneurs chauffés installés au centre de la "Jungle".
Puis, au premier jour du démantèlement, l'Etat avait dépêché sur place une entreprise de travaux et déployé un nombre impressionnant de CRS pour protéger les maraudes. Ce tour de vis sécuritaire n'avait pas étouffé la contestation: aux jets de projectiles, les CRS avaient riposté par des gaz lacrymogènes.
Deux jours plus tard, huit Iraniens s'étaient fait coudre la bouche pour montrer leur désespoir de quitter des lieux où s'était formée une vie communautaire. Mercredi, se déclarant au 16e jour d'une grève de la faim, ils sont apparus très amaigris et ont confié à l'AFP leur intention de continuer jusqu'à ce qu'on leur propose "une vraie solution d'hébergement".
- un nouveau quartier en zone nord -
Les deux semaines suivantes se sont globalement déroulées dans le calme, avec un sentiment perceptible de résignation chez les migrants et les associatifs. "Eux, ils ont vécu bien pire, dans leur pays puis dans leur exil", a commenté Christian Salomé, président de L'Auberge des migrants.
Seuls quelque 300 migrants ont opté pour un CAO depuis fin février, selon la préfecture, sans doute loin des objectifs de l'Etat. Le CAP, pensé comme un sas vers l'éloignement, est passé de 1.200 à 1.400 occupants, avec un turnover important. Les 450 places en tentes de la Sécurité civile ont presque toutes trouvé preneurs.
Où sont passés les autres migrants ? Mercredi, plusieurs associations ont souligné lors d'une conférence de presse commune que 80% de ceux établis sur la partie sud du camp ont simplement déplacé leur cabane dans la partie nord, pour le moment non concernée par le démantèlement.
De fait, en zone nord, les tentes de la Sécurité civile, autrefois isolées, étaient mercredi entourées de nombreuses cabanes et caravanes, venues former en quelques jours un nouveau quartier, a constaté un journaliste de l'AFP. En outre, dans les allées proches du CAP, plusieurs migrants utilisaient marteaux et tournevis pour mettre la dernière main à leur abri.
La préfecture du Pas-de-Calais a admis auprès de l'AFP que des déménagements avaient bien eu lieu, tout en affirmant qu'ils étaient impossibles à quantifier.
L'Etat a plusieurs fois réaffirmé son objectif de réduire la population migrante de Calais à 2.000 en zone nord, soit le nombre total de places disponibles au CAP ainsi qu'au Centre Jules-Ferry, où 400 femmes et enfants peuvent dormir. Dans un communiqué diffusé mercredi soir, la préfecture réaffirme ainsi que "l?objectif du gouvernement demeure que, le plus rapidement possible, plus aucun migrant ne dorme dans des abris sauvages". "L?effort de maraudes et de propositions de mise à l?abri" doit ainsi "se poursuivre", appuie-t-elle.
Les cabanes présentes sur la zone nord semblent donc promises au démantèlement, mais le mystère plane sur le calendrier, les modalités et l'issue d'une telle opération. Cela serait "inacceptable de la part du gouvernement", ont mis en garde les associations. "Ce sera 4.000 personnes qu'on va retrouver sur des terrains vagues, sur des plages, sous les ponts, dans des jardins publics", s'était alarmé la veille M. Salomé.
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