Trois heures sont prévues dans la matinée pour entendre le détenu le plus célèbre de Norvège, qui a maintes fois qualifié de "torture" ses conditions de détention, généralement jugées confortables.
Moment très attendu, il s'agira de sa première déclaration publique depuis qu'il a été condamné en 2012 à 21 ans de prison -- peine susceptible d'être prolongée s'il reste considéré comme dangereux -- pour les sanglantes attaques du 22 juillet 2011.
Se disant en guerre contre le multiculturalisme, il avait ce jour-là tué 77 personnes, huit en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo et 69 autres en ouvrant le feu sur un camp d'été de la Jeunesse travailliste.
Pendant plus d'une heure, il avait traqué près de 600 adolescents piégés sur l'île d'Utøya et terrifiés, achevant la plupart de ses victimes d'une balle dans la tête.
Par égard pour les familles et les survivants mais aussi pour l'empêcher d'envoyer des signaux codés à ses sympathisants, les propos de l'extrémiste de 37 ans ne seront pas diffusés à la télévision, a décidé la justice norvégienne. Mais la presse peut les retranscrire.
Mardi, ses seules déclarations ont été en réponse à un rappel à l'ordre de la juge Helen Andenaes Sekulic, qui lui demandait de ne pas rééditer le geste, évoquant le salut nazi, qu'il avait fait à son arrivée.
"J'essaierai d'en tenir compte", a dit le détenu au crâne désormais complètement rasé. Il a aussi objecté qu'il s'agissait d'un ancien salut nordique, une explication qui reste à démontrer.
Pour des raisons de sécurité, le procès se tient dans le gymnase de la prison de Skien (sud), où Breivik est détenu.
Il y dispose de trois cellules, soit plus de 31 m2 répartis entre espace de vie, d'études et d'exercices physiques, avec télé et lecteur DVD, console de jeux, livres et journaux, puzzles, machine à écrire et appareils de musculation, ont fait valoir les représentants de l'État. Conditions plutôt confortables donc, à l'écart des autres détenus, mais qu'il juge insatisfaisantes.
- Éviter 'un nouveau Breivik' -
Breivik accuse la Norvège de violer deux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme, l'une interdisant les "peines ou traitements inhumains ou dégradants", l'autre garantissant le "droit au respect de sa vie privée (...) et de sa correspondance".
Le procès est considéré comme un nouveau test pour l'État de droit en Norvège, où l'on essaie d'oublier l'auteur du pire carnage commis dans le pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
Son isolement depuis près de cinq ans est "inhumain" et laisse chez Breivik des "séquelles", estime son avocat, citant des troubles de mémoire ou son incapacité à se concentrer sur ses études de science politique.
"Dégradants" étaient, selon lui, le recours intensif aux menottes et surtout les centaines d'inspections corporelles complètes subies dans une autre prison, celle d'Ila près d'Oslo, où il a séjourné jusqu'en septembre 2013.
Quant à sa correspondance, elle est étroitement contrôlée par l'administration pénitentiaire.
Sous le regard souvent désapprobateur du plaignant, les juristes qui défendent l'État, Marius Emberland et Adele Matheson Mestad, se sont employés à démonter les accusations point par point mardi.
Énumérant les activités offertes à Breivik, dont certaines qu'il a déclinées, M. Emberland a décrit un prisonnier globalement en bonne forme, détenu dans des conditions "largement conformes à ce qui est permis" par la Convention européenne des droits de l'Homme.
Il a aussi évoqué les risques qu'une immersion avec les autres détenus feraient courir à tous. "Breivik est un homme extrêmement dangereux", a-t-il souligné, précisant qu'il n'était pas privé de contact humain, notamment avec le personnel d'encadrement.
Mme Mestad a aussi justifié le contrôle du courrier par le souci d'éviter "un nouveau Breivik", un sympathisant galvanisé par des échanges avec le tueur. Environ 600 lettres sur 4.000 ont été saisies, et d'autres partiellement censurées.
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