Ce nouveau coup de théâtre orchestré par le chef de l'Etat russe, qui dicte le tempo dans la crise syrienne, intervient alors que le conflit entre dans sa sixième année. Conséquence sur le terrain: le Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, promet une offensive dans les 48h et parle d'une "défaite" russe.
En dépit de ce retrait, Moscou poursuivra ses frappes contre des "objectifs terroristes", a prévenu l'armée russe. Son aviation a ainsi frappé mardi Palmyre (centre), tenue par le groupe État Islamique (EI), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le repli de l'armée russe intervient alors que la question de l'avenir du président Bachar al-Assad demeure entière, Damas restant sourd aux exigences des opposants syriens. Pour de nombreux experts, en retirant des troupes, la Russie cherche aussi à accentuer la pression sur Assad à l'amorce des négociations de paix.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a cependant affirmé que ce retrait n'était en "aucun cas" une mesure de rétorsion des Russes.
Conformément à l'ordre donné lundi soir par Vladimir Poutine, un premier groupe de bombardiers Su-34 et d'avions de transport Tu-154 a quitté la base de Hmeimim (nord-ouest). Ils ont été accueillis en fanfare mardi sur une base militaire près de Voronej, dans le sud-ouest de la Russie.
"La tâche qui avait été confiée à notre ministère de la Défense et aux forces armées a été globalement accomplie et j'ordonne donc au ministère de la Défense d'entamer à partir de demain (mardi), le retrait de la majeure partie de notre contingent", a-t-il déclaré à la télévision lundi soir, ajoutant avoir appelé au préalable M. Assad.
Le Kremlin a ensuite indiqué que la Russie garderait sur place "un site de logistique aérienne" pour surveiller le respect du cessez-le-feu, entré en vigueur le 27 février. L'armée russe va aussi maintenir ses systèmes de défense antiaérienne "les plus modernes", a priori les S-400.
Pour la presse russe, ce retrait permet de présenter son intervention comme une victoire politique en évitant l'enlisement craint par l'opinion.
- Place au 'processus politique' -
Depuis le début de l'intervention russe le 30 septembre, M. Poutine est progressivement monté en puissance en Syrie au fur et à mesure que les Etats-Unis se désengageaient du dossier. La crise syrienne lui a permis de poser fermement le pied dans ce pays au coeur de toutes les dynamiques régionales, et sortir de l'isolement international provoqué par la crise ukrainienne.
Pour l'heure, les frappes de l'armée russe ont permis de "donner une bonne base (...) pour que le processus politique se déroule comme prévu", s'est félicité le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
Signe que ce processus est relancé au niveau diplomatique, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a annoncé qu'il allait rencontrer M. Poutine à Moscou dans une semaine.
"Les Russes ont donné suite" à leur annonce, a estimé la Maison Blanche, tandis que Paris soulignait que "tout ce qui contribue à la désescalade doit être encouragé".
A Genève, l'opposition syrienne a accueilli l'annonce avec prudence, disant redouter une "ruse" du Kremlin, tandis que l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a dit espérer un "impact positif" sur les négociations.
L'annonce du retrait russe est intervenue quelques heures après le début d'un nouveau cycle de négociations entre des représentants du régime syrien et de la très hétéroclite opposition.
L'annonce du retrait russe de Syrie a créé la panique sur le marché des changes à Damas, selon l'hebdomadaire économique en ligne The Syria Report: la livre syrienne (LS) a plongé à 458 LS pour un dollar contre 443 LS deux jours plus tôt.
"Les analystes ont interprété ce retrait surprise comme une réprimande contre le régime syrien, un signe rare de tension entre les deux alliés", note l'hebdomadaire.
La guerre en Syrie, qui a débuté en mars 2011, a fait plus de 270.000 morts, poussé plus de la moitié des habitants à quitter leur foyer, et provoqué une importante crise migratoire.
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