Malgré l'absence de toute revendication immédiate, le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu a assuré lundi, sans surprise, que les enquêteurs disposaient d'éléments "très sérieux, quasi-sûrs" impliquant "l'organisation terroriste séparatiste", la désignation habituelle du PKK.
Ce nouveau coup porté en plein coeur de sa capitale, le deuxième en moins d'un mois, embarrasse le régime du président Recep Tayyip Erdogan. Son parti avait remporté les législatives du 1er novembre en promettant "l'éradication" de la rébellion kurde et en se posant en rempart contre le "chaos".
Onze personnes ont déjà été arrêtées en lien direct avec l'attentat, a ajouté M. Davutoglu.
Selon les médias, 4 à 6 d'entre elles ont été interpellées dans la ville de Sanliurfa (sud-est) où a été acheté le véhicule piégé qui a explosé dimanche soir contre un autobus sur la très fréquentée place Kizilay.
Selon les autorités, l'attaque a fait au moins 35 victimes et plus de 120 blessés.
Les funérailles des premières victimes se sont déroulées dès lundi à Ankara, laissant place à un cortège de cercueils recouverts du drapeau rouge à croissant blanc turc.
Un femme retrouvée morte sur les lieux de la déflagration a été formellement identifiée comme une "kamikaze", a confirmé le porte-parole du gouvernement, Numan Kurtulmus. La presse turque l'a présentée comme Seher Cagla Demir, 24 ans, proche du PKK.
- Faux-nez -
Un autre homme était encore en cours d'identification lundi soir et pourrait être le complice de l'auteure de l'attaque, selon M. Kurtulmus.
Dès les premières heures qui ont suivi l'attaque, le gouvernement turc a privilégié la piste kurde. A l'aube, son aviation a pilonné en représailles des camps du PKK situés dans les montagnes du nord de l'Irak, a annoncé l'état-major.
Par son mode opératoire, l'attentat-suicide de dimanche soir se rapproche de celui qui avait visé le 17 février, déjà dans le centre d'Ankara, des bus transportant des personnels militaires et causé 29 morts.
Un groupe radical dissident du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), qui s'est illustré depuis dix ans en attaquant cibles civiles et sites touristiques, avait revendiqué l'opération et annoncé de nouvelles attaques.
Le PKK affirme ne pas être lié aux TAK mais les autorités les considèrent comme un de leurs faux-nez, utilisé lors des attaques contre les civils.
"A chaque fois que l'organisation terroriste est acculée et mise en difficulté par une opération des forces de sécurité, elle s'engage dans des actes qui visent directement les civils", a commenté M. Davutoglu, "ce n'est pas la première fois que cela arrive".
L'armée et la police ont engagé ces derniers mois des opérations d'envergure dans plusieurs villes du sud-est à majorité kurde, où le PKK a déclenché un "soulèvement" contre Ankara. Les combats y ont fait de nombreux morts, y compris des civils.
- Radicalisation -
Le conflit kurde a repris fin juillet et fait voler en éclats les pourparlers de paix engagés par le gouvernement avec le PKK fin 2012.
En visant délibérément des civils pour la première fois depuis l'été dernier, l'attaque de dimanche soir marque une incontestable escalade.
"Le +soulèvement+ lancé par le PKK n'a pas marché", a commenté à l'AFP Can Acun, de la Fondation turque pour les recherches politiques, économiques et sociales (Seta). "Frustré, le PKK semble avoir opté pour des actes retentissants".
En plus des violences liées au conflit kurde, la Turquie a été frappée depuis l'été par une série d'attentats meurtriers pour la plupart attribués au groupe Etat islamique (EI).
Le plus meurtrier d'entre eux, le 10 octobre à Ankara, avait fait 103 morts.
Cette succession a provoqué la colère des familles des victimes. "L'Etat ne prend aucune précaution", a déploré devant un hôpital ankariote Nihat Görgülü, l'oncle de l'une d'elles, "l'Etat se moque des citoyens".
L'opposition a elle aussi mis en cause la responsabilité du gouvernement. "La Turquie n'est pas bien gouvernée", a déploré le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu. "Nous ne méritons pas ça."
Dénoncé comme "complice" du PKK par le gouvernement, le chef du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), Selahattin Demirtas, a condamné l'attentat et critiqué le régime. "Trois explosions dans la capitale du pays en cinq mois et vous voulez qu'on félicite (le pouvoir) pour ça ?", a-t-il lancé sur Twitter.
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