"La police criminelle fédérale a connaissance de tels documents", a déclaré jeudi un porte-parole du BKA Markus Koths les jugeant "très probablement authentiques".
Mercredi soir, la chaîne d'information britannique Sky News avait annoncé avoir consulté ces documents contenant le nom de 22.000 candidats étrangers au jihad. Sky News dit les avoir obtenus auprès d'un ex-membre de l'EI se faisant appeler "Abu Hamed" qui les aurait volés au chef de la police interne de l'organisation jihadiste avant de faire défection.
Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung (SZ) et le site d'information proche de l'opposition syrienne Zaman al-Wasl ont affirmé être eux aussi en possession de ces documents, qui confirmeraient le souci bureaucratique de l'EI. Selon Zaman Al Wasl, il y aurait toutefois beaucoup de répétitions et au final, on arriverait à 1.700 noms.
Les documents en question, des formulaires remplis par des ressortissants de 55 pays, contiennent notamment leurs noms, adresses ou numéros de téléphone. Il leur est aussi demandé de donner leur "niveau de compréhension de la charia", la loi islamique, leur groupe sanguin ainsi que le nom de la personne à contacter en cas de décès.
Certains contiendraient des informations sur des jihadistes jusqu'à présent non identifiés qui se trouvent en Europe occidentale, aux Etats-Unis, au Canada, au Maghreb et au Moyen-Orient, selon Sky News.
Un porte-parole du gouvernement britannique a déclaré que Londres n'avait pas jusqu'ici connaissance de ces documents et étudiait à présent "la façon dont nous pouvons utiliser ces informations pour lutter contre Daech (acronyme de l'EI en arabe)".
Le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizières a lui estimé qu'"ils vont permettre une meilleure compréhension des structures de l'organisation terroriste". Il a ajouté que cela faciliterait la tâche de la justice allemande en "accélérant les enquêtes" sur les personnes qui tentent de rejoindre l'EI ou l'ont déjà rejoint.
L'ancien patron du contre-terrorisme au sein du renseignement extérieur britannique, Richard Barrett, a d'ores et déjà qualifié ces données de "ressource inestimable pour les analystes".
- Des incohérences -
"Ce pourrait être un événement majeur", a déclaré à l'AFP Chris Phillips, directeur général du cabinet International Protect and Prepare Security Office.
"Cela montre combien l'EI est vulnérable aux siens qui se retournent contre lui", a-t-il estimé, jugeant que les documents pourraient être utilisés lors de futurs procès et permettre de réduire le nombre de départs de ressortissants de pays européens ou nord-américains vers les zones contrôlées par l'EI.
Plusieurs milliers de citoyens européens ont rejoint les rangs de cette organisation qui a conquis de vastes zones en Syrie et en Irak et proclamé en 2014 le "califat", et les autorités de leurs pays d'origine craignent qu'ils ne commettent des attentats à leur retour.
Certains noms de jihadistes déjà identifiés sont contenus dans les documents. C'est le cas, par exemple, d'Abdel-Majed Abdel Bary, un ancien rappeur originaire de Londres qui s'est illustré en postant sur Twitter une photo de lui brandissant une tête tranchée.
L'homme qui a dérobé les documents a expliqué les avoir transmis à un journaliste en Turquie et raconté avoir quitté l'EI à cause de l'"effondrement des principes islamiques auxquels il croit" au sein du groupe.
Cette fuite de documents "montre qu'il existe des voix dissidentes dans les rangs de l'EI", a dit à l'AFP Olivier Guitta, directeur général du cabinet de conseil GlobalStrat. "Comme dans toute organisation d'envergure, il y aura des luttes de pouvoir et on pourrait voir à l0'avenir une possible implosion de l'EI en différentes factions".
Mais d'autres experts soulignent des incohérences dans ces documents notamment dans le langage ou les logos utilisés. Le nom arabe de "l?Etat islamique d'Irak et de Syrie", un ancien nom de l'EI, est ainsi écrit de deux différentes manières et le dossier sur les morts utilise le terme "date du décès" au lieu de la phraséologie jihadiste de "martyr".
D'où l?urgence de "la prudence", a déclaré Charlie Winter, chercheur à l'université américaine Georgia State. "Quand j'ai vu dans le passé de telles incohérences, il s'agissait en fait de faux mal faits", a-t-il assuré à l'AFP.
Le journaliste et spécialiste du jihadisme Wassim Nasr note lui que beaucoup des informations sont déjà disponibles depuis des années. "Peut-être que certaines des informations sont vraies et qu'une mise en page a été fabriquée pour vendre chèrement l'info à différents acteurs", ajoute-t-il.
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