La Corée du Nord s'est déjà vantée par le passé d'être capable de miniaturiser une charge nucléaire. Mais c'est la première fois que son numéro un revendique de façon aussi explicite une telle percée, susceptible de changer la donne en ce qui concerne les capacités nucléaires nord-coréennes.
Kim Jong-Un a également affirmé qu'il s'agissait de charges "thermonucléaires". Pyongyang avait déclaré que son quatrième essai nucléaire, mené le 6 janvier, était un test de bombe à hydrogène, bien plus puissante que la bombe atomique ordinaire.
"Les têtes nucléaires ont été standardisées en les miniaturisant afin de pouvoir équiper des missiles balistiques", a affirmé le dirigeant nord-coréen lors d'une réunion avec des experts nucléaires, a rapporté mercredi l'agence de presse officielle KCNA. "On peut appeler cela une vraie dissuasion nucléaire".
Rodong Sinmum, le journal du parti unique au pouvoir en Corée du Nord, publiait en une une photographie de Kim Jong-Un posant devant un objet sphérique métallique, supposé apparemment être une des têtes en question.
"Suffisamment de temps s'est écoulé pour qu'il y ait une réelle possibilité que la Corée du Nord ait miniaturisé un engin qui puisse être monté sur un missile balistique", a jugé Melissa Hanham, spécialiste du programme nord-coréen d'armes de destruction massive à l'Institut Middlebury des études internationales.
"Je ne peux pas dire qu'ils seraient capables de très bien diriger ce missile, ni quelle serait sa portée, mais leur revendication ne peut pas être rejetée comme étant une fanfaronnade", a-t-elle dit.
Les tensions ont redoublé dans la péninsule coréenne depuis l'essai nucléaire suivi le 6 février d'un tir de fusée généralement considéré comme un test de missile balistique déguisé.
Le puissant Commandement suprême de l'Armée populaire coréenne vient de brandir la menace d'une "attaque nucléaire préventive" contre la Corée du Sud et les Etats-Unis, qui conduisent actuellement les plus importantes manoeuvres militaires conjointes jamais organisées dans la péninsule.
M. Kim a réitéré cette menace. Pyongyang "n'hésitera jamais à mener une frappe préventive" si les Etats-Unis et leurs alliés portent atteinte à sa souveraineté d'Etat nucléaire, a-t-il martelé.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé à l'unanimité la semaine dernière d'imposer de nouvelles sanctions à la Corée du Nord, les plus lourdes jamais infligées à Pyongyang, pour le punir après son essai nucléaire.
La Corée du Nord a vivement réagi, parlant de conspiration pilotée par Washington et visant à mettre le régime à genoux.
- Progrès rapides -
"Plus notre force de frappe nucléaire augmente, plus notre capacité à dissuader une agression et une guerre nucléaire se renforce", a poursuivi M. Kim.
Les spécialistes sont divisés quant aux capacités de miniaturisation de la Corée du Nord. Mais les services de renseignement américain et sud-coréen ont jugé que les progrès étaient apparemment rapides.
Cette question est essentielle, car s'il est connu que la Corée du Nord dispose d'un petit arsenal d'armes nucléaires, sa capacité à les transporter avec précision jusqu'à une cible choisie été mise en doute.
De nombreux points d'interrogation pèsent aussi sur la maîtrise ou non par la Corée du Nord de la technologie de production de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui seraient susceptibles de frapper le territoire américain.
La plupart des experts estiment que Pyongyang ne maîtrise pas la technologie de rentrée dans l'atmosphère, après la phase de vol balistique.
Il est de plus incertain qu'un éventuel engin miniaturisé conçu par la Corée du Nord puisse être suffisamment résistant pour supporter les chocs, les vibrations et les variations de températures associés à un vol balistique.
Nombre d'experts ne croient pas que la Corée du Nord lance une frappe nucléaire de quelque nature qu'elle soit, jugeant que cela serait suicidaire compte tenu de la supériorité écrasante de la technologie américaine.
"On doit envisager les propos de M. Kim dans le contexte du langage belliqueux et cyclique utilisé chaque année par le Nord, surtout dans la foulée des sanctions de l'ONU", ajoute Mme Hanham.
"Avec ses commentaires et ses photographies, le message est très explicite: +Nous avons la bombe nucléaire et vous devez nous respecter".
Les spécialistes doutent que l'engin testé en janvier ait été une bombe H, l'énergie dégagée par la déflagration semblant trop faible. Ils penchent plutôt pour l'hypothèse d'une bombe à fission dopée, plus puissante que la bombe A ordinaire à fission. La bombe H est, elle, à deux étapes, utilisant d'abord la fission puis la fusion nucléaire dans une réaction en chaîne.
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