Sur les côtes de la mer Egée d'où continuent à s'élancer chaque jour des centaines de candidats à l'exil vers l'Union européenne (UE), la crise des migrants devait constituer l'essentiel du menu des discussions bilatérales entre le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu et son homologue grec Alexis Tsipras.
Après des tractations laborieuses à Bruxelles, les dirigeants européens se sont séparés dans la nuit sans accord définitif mais avec en main de nouvelles et inattendues propositions turques qu'ils se sont promis d'étudier et de finaliser d'ici dix jours et un prochain sommet prévu les 17 et 18 mars dans la capitale belge.
Aux termes de la plus spectaculaire, Ankara accepterait la réadmission sur son territoire de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce, y compris les Syriens qui fuient la guerre dans leur pays, à condition que les Européens s'engagent, pour chacun d'entre eux, à transférer un réfugié depuis la Turquie vers le territoire de l'UE.
L'objectif est de lancer un message à tous les candidats au voyage vers l'Europe: les migrants économiques seront renvoyés, et les demandeurs d'asile ont tout intérêt à déposer leur requête en Turquie pour espérer un transfert sans danger vers l'UE.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a voulu y voir un net progrès. "Le temps des migrations irrégulières en Europe est révolu", s'est-il félicité.
Mais le haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU, Filippo Grandi, s'est déjà dit "profondément préoccupé par tout arrangement qui impliquerait le retour indiscriminé de gens d'un pays à un autre, qui ne détaillerait pas les garanties de protection des réfugiés en vertu du droit international".
Amnesty International a jugé la proposition turque "déshumanisante" et un responsable de Human Rights Watch, Bill Frelick, a estimé que les réfugiés ne devaient pas être traités "comme une monnaie d'échange".
En échange de sa proposition "choc", la Turquie a promis d'accélérer la mise en ?uvre d'un accord de "réadmission", qui prévoyait qu'elle reprenne à partir de juin les migrants "économiques" pour les expulser vers leurs pays d'origine.
M. Tsipras a promis mardi de faire avancer concrètement le dossier à l'occasion de sa visite à Izmir. "(Nous allons) mettre en place des routes légales depuis la Grèce et la Turquie et fournir une aide humanitaire immédiate" et "permettre une meilleure gestion de la #crisedesréfugiés", a-t-il écrit sur Twitter.
- "Non" chypriote -
Entre autres conditions, Ankara a exigé le doublement de 3 à 6 milliards d'euros du montant de l'enveloppe promise par l'euro pour accueillir et intégrer les 2,7 millions de Syriens déjà sur son sol.
Dans la perspective d'adhérer à l'UE, "nous voulons que cinq chapitres de négociations soient ouverts aussi vite que possible", a insisté M. Davutoglu.
Chypre s'y est dit mardi opposé. "L'ouverture de tout chapitre nécessite de la Turquie qu'elle remplisse ses obligations", a rappelé le porte-parole du gouvernement Nicos Christodoulides. L'île méditerranéenne est divisée depuis l'invasion en 1974 de sa partie nord par la Turquie.
Le chef du gouvernement islamo-conservateur turc a également sollicité la levée "d'ici juin" des visas imposés par les pays de l'espace Schengen à ses citoyens, jusque-là programmée pour la toute fin de l'année.
"C'est un bon accord, qui va changer la donne", s'est réjoui le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, jugeant qu'il allait "briser le +business model+ des passeurs" et "soulager une partie de la pression sur la Grèce", au bord de la crise humanitaire.
Mais "il reste de nombreux points à clarifier", a admis une source diplomatique, faisant état des doutes de certains pays sur la légalité et la faisabilité du dispositif.
Les Turcs avaient déjà scellé fin novembre un "plan d'action" avec l'UE pour stopper les migrants en renforçant notamment la lutte contre les passeurs. Mais 15.000 à 20.000 migrants continuent d'arriver chaque semaine de Turquie sur les côtes grecques, moins qu'à l'automne mais encore trop pour l'UE.
En marge des discussions avec Ankara, une querelle a éclaté entre Européens autour de la route migratoire des Balkans, empruntée l'an dernier par plus de 850.000 migrants.
Un projet de déclaration finale du sommet mentionnait que "cette route est désormais fermée", mais certains pays comme l'Allemagne ont émis de fortes réserves, conduisant à supprimer cette formulation.
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