"Je suis responsable", a lâché Jacobus - dit Mark - Van Nierop, 51 ans, quand le tribunal a commencé à aborder mardi après-midi les faits qui lui sont reprochés.
Tandis que le président du tribunal Thierry Cellier entamait la litanie de la centaine de cas de plaignants, le dentiste a dit "ne pas se souvenir" des patients évoqués.
Interpellé par la procureure de Nevers Lucile Jaillon-Bru sur sa mémoire défaillante, M. Van Nierop a répondu: "J'étais dans une situation psychique où les gens autour de moi ne m'intéressaient pas", précisant avoir "perdu après 2002, 2003 l'intérêt pour les gens" après le décès de sa première épouse. Un vif émoi a alors parcouru la salle après ces propos.
- "Travail à la chaîne" -
Le président du tribunal a relevé pour sa part que le praticien réalisait du "travail à la chaîne" dans son cabinet.
Dans le box, l'homme au visage bouffi, les cheveux grisonnants et les épaules tombantes - bien loin de l'homme à la carrure de rugbyman décrit à l'époque par ses patients - a précisé qu'il recevait "entre 18 et 26 patients par jour".
Témoignant à la barre, une ancienne patiente, Sylviane Boulesteix, 65 ans, a confié être restée "sans dents pendant un an et demi" après avoir été soignée par le Néerlandais. "On a honte", a poursuivi la retraitée à qui le dentiste a arraché "huit dents d'un coup".
"Nous, on lui a fait confiance et il a trahi notre confiance", a fustigé la modeste sexagénaire, qui s'était endettée pour payer ces soins.
Autre partie civile, Géraldine Letot, 36 ans, a dit espérer pour sa part que ce procès lui permettra "une reconstruction". Elle avait consulté M. Van Nierop pour une carie: "Quelques séances plus tard, j'avais treize dents douloureuses", a-t-elle raconté.
Une ancienne collaboratrice a affirmé lors d'une audition, lue à l'audience, que l'objectif du dentiste était de "faire de l'argent".
"Aimez-vous l'argent?", a alors demandé le président du tribunal. "Pas de commentaire", s'est borné à répondre le Néerlandais.
Le quinquagénaire a toutefois reconnu avoir réalisé sur certains patients des soins qui ne répondaient pas aux "règles de l'art".
Recruté par un chasseur de tête, Jacobus Van Nierop s'était installé en 2008 à Château-Chinon, en plein Morvan, véritable désert médical.
L'homme menait grand train, entreprenant des travaux d'importance dans sa maison et séjournant régulièrement dans des hôtels de luxe.
Des irrégularités de facturation ont alerté la Sécurité sociale, ainsi que certains patients, tandis que les plaintes commençaient à s'accumuler.
Parmi les plaignants, Nicole Martin, qui raconte avoir eu des "dents saines dévitalisées et des dents arrachées à cause d'abcès", a constitué le "collectif dentaire". Au total, 120 victimes seront recensées.
- "Conscience de ses agissements" -
Fin 2013, alors mis en examen sous contrôle judiciaire, l'homme avait fui au Canada "pour (se) suicider". Il sera interpellé en septembre 2014, tandis qu'il tentait de mettre fin à ses jours. Il garde de cette tentative de suicide une longue balafre dans le cou.
Extradé vers les Pays-Bas, M. Van Nierop "a dit avoir tué sa première femme, il a joué la folie, il a dit être transsexuel... Il a joué le tout pour le tout" pour éviter son retour en France, avait souligné Mme Martin.
Plus tôt mardi, lors de l'examen de sa personnalité, l'une des expertises psychologiques a relevé que le quinquagénaire souffrait d'une "pathologie narcissique majeure", entraînant l'effacement de "tout sens moral".
Un autre expert a toutefois conclu qu'il avait "parfaitement conscience de ses agissements".
"Je n'étais pas en état de me mettre à la place" des patients, a affirmé le prévenu, s'exprimant tantôt en français, tantôt en néerlandais.
Aux Pays-Bas, il avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires après des plaintes.
M. Van Nierop encourt dix ans de prison et 150.000 euros d'amende. Son procès, très médiatisé, doit durer jusqu'au 18 mars.
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