Ce nouveau sommet entre les dirigeants des 28 et la Turquie, achevé dans la nuit de lundi à mardi après des discussions laborieuses, a abouti sur la promesse d'ultimes tractations, avec en point de mire un prochain sommet prévu les 17 et 18 mars à Bruxelles.
"Le temps des migrations irrégulières en Europe est révolu", s'est félicité le président du Conseil européen, Donald Tusk, malgré l'absence d'accord global après plus de 12 heures de réunion.
Ankara a créé la surprise en mettant sur la table de nouvelles propositions - fortement suggérées par l'Allemagne et la Commission européenne, selon certains participants - mais aussi de nouvelles exigences, devant des Européens cherchant désespérément une solution à la crise migratoire.
La Turquie a notamment demandé trois milliards d'euros d'aide européenne supplémentaire, en plus de trois milliards déjà promis, pour mieux accueillir et intégrer sur son sol les réfugiés syriens (2,7 millions actuellement).
Elle veut surtout l'accélération des négociations pour supprimer "d'ici juin" les visas pour les Turcs circulant dans l'espace Schengen.
Et dans la perspective d'adhérer à l'UE, "nous voulons que cinq chapitres de négociations soient ouverts aussi vite que possible", a insisté le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.
- "Décision audacieuse" -
En contrepartie, "nous avons pris la décision audacieuse d'accepter le retour de tous les migrants irréguliers en provenance de la Grèce, quelle que soit leur origine", a promis M. Davutoglu, à condition que les Européens s'engagent, pour chaque demandeur d'asile renvoyé en Turquie, à transférer un réfugié depuis la Turquie vers le territoire de l'UE.
Cet engagement de la Turquie s'ajouterait à celui d'accélérer la mise en ?uvre d'un accord de "réadmission", qui prévoyait qu'elle reprenne à partir de juin les migrants "économiques" pour les expulser à son tour vers leurs pays d'origine.
"C'est un bon accord, qui va changer la donne", s'est réjoui le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, estimant qu'il allait "briser le +business model+ des passeurs", sauver des vies et "soulager une partie de la pression sur la Grèce", au bord de la crise humanitaire.
Le président français François Hollande a salué "un acte très important (de la Turquie) de réadmettre les réfugiés et les migrants qui ont quitté de facon irrégulière la Turquie vers la Grèce".
- Des points "à clarifier" -
L'objectif est de lancer un message à tous les candidats au voyage vers l'Europe: les migrants économiques seront renvoyés, et les demandeurs d'asile ont tout intérêt à déposer leur requête en Turquie pour espérer un transfert sans danger vers l'UE.
Mais "il reste de nombreux points à clarifier", a admis une source diplomatique, faisant état des doutes de certains pays sur la légalité du dispositif - peut-on renvoyer des demandeurs d'asile syriens? - et sur sa faisabilité.
"La décision est légale", a assuré Jean-Claude Juncker, écartant les risques d'éventuelles condamnations, par la justice européenne, de renvois de demandeurs d'asile syriens dans un pays comme la Turquie.
Les Turcs avaient déjà scellé fin novembre un "plan d'action" avec l'UE pour stopper les migrants quittant par milliers la côte anatolienne pour la Grèce, en renforçant notamment la lutte contre les passeurs.
Mais 15.000 à 20.000 migrants continuent d'arriver chaque semaine de Turquie sur les côtes grecques, moins qu'à l'automne mais beaucoup trop pour les dirigeants européens, qui craignent une nouvelle vague au printemps.
Alors que la mise sous tutelle judiciaire du quotidien d'opposition turc Zaman a jeté un froid entre Bruxelles et le régime islamo-conservateur d'Ankara avant le sommet, "la situation des médias" en Turquie a été "discutée" lundi. "Nous ne pouvons rester indifférents aux inquiétudes qui ont été soulevées dans ce contexte", a réagi M. Tusk.
En marge des discussions avec Ankara, une querelle a éclaté entre Européens autour de la situation sur la route migratoire des Balkans, empruntée l'an dernier par plus de 850.000 migrants.
Un projet de déclaration finale du sommet mentionnait que "cette route est désormais fermée", mais certains pays comme l'Allemagne ont émis de fortes réserves, conduisant à supprimer cette formulation.
Berlin craignait de donner le sentiment d'entériner les décisions unilatérales de certains pays de cette route des Balkans, comme l'Autriche, qui ont instauré des quotas de demandes d'asile et de "transit" de migrants.
De manière plus consensuelle, les dirigeants européens ont apporté leur soutien à la proposition de la Commission d'une aide humanitaire inédite de 700 millions d'euros sur trois ans pour les pays en première ligne, principalement la Grèce.
Ils ont également soutenu le cap fixé par l'exécutif européen, qui plaide pour un "retour à la normale" de la libre circulation au sein de l'espace Schengen "d'ici la fin de l'année", avec la disparition des contrôles aux frontières intérieures réintroduits par certains pays face à l'afflux de migrants.
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