Alors que se tenait à Bruxelles un nouveau sommet européen consacré à la crise migratoire, plusieurs bus de migrants, transportant quelque 400 personnes selon la mairie, sont arrivés au camp dit "de la Linière" en provenance du camp illégal de Basroch, distant de 1,5 km. Dans ce dernier, vivaient jusqu'à présent 1.050 migrants dans des conditions particulièrement insalubres.
Mais dans l'après-midi, la préfecture du Nord, défavorable depuis le départ à la création d'un camp, a demandé à la police de ne pas autoriser de nouvelles entrées sur le site jusqu'à l'inspection d'une commission locale de sécurité.
Le maire (EELV) de Grande-Synthe Damien Carême a ensuite pris un arrêté déclarant conformes les conditions de sécurité, malgré l'avis contraire - mais uniquement consultatif selon lui - des représentants de la police et des pompiers venus sur place. L'interruption des arrivées a duré près d'une heure.
En fin d'après-midi, le préfet n'avait pas encore été informé officiellement de l'aval du maire. Il rappelait toutefois que tout maire "engage sa responsabilité pénale" en validant les conditions de sécurité du camp de la Linière.
Selon M. Carême, "c'est le bras de fer qui continue" avec l'Etat. "Je n'imaginais pas qu'ils étaient capables d'aller si loin en me mettant autant de bâtons dans les roues", a-t-il protesté.
La plupart des migrants du camp de Basroch, qualifié de "camp de la honte" par le préfet du Nord Jean-François Cordet, sont des Kurdes irakiens. Comme Majied Kaveen, 35 ans, originaire de Kirkouk, qui y a passé 40 jours: "Certains y ont vécu neuf mois, je ne sais pas comment ils ont fait...", a-t-il dit à l'AFP, "très heureux" de "rejoindre un abri".
Constitué de petits bungalows en bois, chauffés et prévus pour quatre personnes, ce nouveau camp, monté par MSF et la mairie (écologiste), sera géré par l'association Utopia56. "Il y a aujourd'hui 220 cabanons disponibles, pouvant loger au moins 1.500 personnes. On espère en avoir 375 à court terme", soit une capacité de 2.500 places, selon la coordonnatrice de MSF Angélique Muller.
"Je pallie une faille de l'Etat", a déclaré M. Carême, qui disait ne plus pouvoir "supporter les images de ce camp et de ces enfants".
- Reprise du démantèlement de la 'Jungle' -
Situé dans la banlieue de Dunkerque, le camp de la Linière doit coûter 3,1 millions d'euros. MSF doit apporter 2,6 millions d'euros, Grande-Synthe et la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) 500.000 euros environ, a précisé Mme Muller.
Le camp sera divisé en six zones, comportant chacune douches et toilettes, ainsi qu'un ou deux "espaces de vie: cuisine, école, etc.", a détaillé un responsable de MSF.
A la différence du Centre d'accueil provisoire jouxtant la "Jungle" de Calais et constitué de conteneurs, le camp ne sera pas clôturé: "On ne veut pas d'une prison à ciel ouvert", ont martelé MSF et la mairie.
Dès le départ, le gouvernement s'y est déclaré hostile. "La politique de l'Etat n'est pas de reconstituer un camp à Grande-Synthe, mais bien de le faire disparaître" pour offrir des "solutions individuelles" aux migrants, avait indiqué mi-février le préfet du Nord.
"J'espère que les autorités (...) vont rembourser l'investissement fait et aussi venir en aide sur le fonctionnement estimé entre 2 et 2,5 millions d'euros par an", a cependant affirmé M. Carême.
Les "maraudes" de fonctionnaires spécialisés ont conduit plus de 580 migrants à demander l'asile et à rejoindre l'un des 102 centres d'accueil et d'orientation (CAO) répartis en métropole, d'après la préfecture. Depuis début janvier, 320 autres personnes ont été hébergées dans le Dunkerquois, dont 150 femmes et enfants, selon la même source.
A une quarantaine de km, dans la "jungle", malgré le froid glacial, les travaux de démantèlement de la partie sud ont repris pour la deuxième semaine consécutive, a constaté l'AFP.
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