Confronté à un environnement énergétique déprimé et très concurrentiel en Europe, et surtout à la chute récente des prix de marché, le groupe détenu à 84,5% par l'Etat français a confirmé lundi la démission de son directeur financier, sans fournir d'explications.
Selon une source proche d'EDF, le départ brutal de M. Piquemal masque un désaccord "sur la faisabilité à court terme" de Hinkley Point, un projet énergétique majeur pour la Grande-Bretagne qui représente un investissement total de 18 milliards de livres (23,2 milliards d'euros).
Il a en tout cas ébranlé l'action EDF, qui a chuté de 6,73% à 10,12 euros lundi dans un marché boursier en baisse de 0,32%, après avoir fondu de plus de moitié en un an.
Paris et Londres ont renouvelé leur soutien au projet qui suscite aussi des inquiétudes chez les syndicats du groupe. En confirmant la "pleine confiance" de l'Etat dans le PDG Jean-Bernard Lévy, le ministre français de l'Economie Emmanuel Macron a ainsi souligné l'opportunité de croissance que confère à EDF ce projet qui sera "très rentable sur les 30 années à venir".
Le départ du directeur financier "reflète des dysfonctionnements en interne" et des "opinions divergentes" sur Hinkley Point, a analysé pour l'AFP Xavier Caroen, de la banque d'affaires Bryan Garnier.
EDF a toutefois toujours l'intention de prendre une décision finale d'investissement "dans un avenir proche" sur ce dossier, a répété son PDG dans une déclaration écrite diffusée après l'annonce du départ de M. Piquemal, dont il a dit regretter "la précipitation".
Selon la même source proche du groupe, "Jean-Bernard Lévy a écrit au chef de l'Etat pour prendre une décision finale d'investissement fin mars".
"Il faut que l'ensemble des conditions nécessaires pour prendre cette décision soient réunies", a-t-on expliqué par ailleurs de source proche de Bercy, citant la rentabilité du projet, son financement et la bonne gestion des risques. "Ce travail doit être finalisé avant que la décision finale ne soit prise dans les prochaines semaines".
- Pression politique -
Toujours selon la source dans l'entourage du groupe, Thomas Piquemal a remis sa démission le 1er mars, après avoir tiré à plusieurs reprises la sonnette d'alarme au cours des derniers mois sur les risques liés à Hinkley Point.
Cette situation reflète, d'après elle, les dissensions au sommet d'EDF entre "ceux qui doutent très fort", et "la volonté très forte de Jean-Bernard Lévy" de mener à bien le projet sous "la pression politique".
Thomas Piquemal, qui a expliqué son départ lundi après-midi devant les membres du Comité exécutif d'EDF, sera remplacé "à titre provisoire" par Xavier Girre, jusqu'alors directeur financier pour la France.
D'après la même source, M. Piquemal plaidait pour que l'entreprise attende encore trois ans avant de prendre la décision finale d'investissement, qui se fait attendre depuis la signature en octobre 2015 d'un accord avec le chinois CGN, qui doit supporter un tiers du financement des deux réacteurs.
Et ce, d'autant plus que la Grande-Bretagne a conditionné sa garantie de financement à la mise en service de l'EPR en construction à Flamanville (Manche), désormais prévue à la fin 2018 après plusieurs années de retard pour ce produit phare de la filière nucléaire tricolore.
"En attendant trois ans, le risque aurait fortement baissé. On aurait eu une bien meilleure visibilité sur Flamanville, on aurait sans doute connecté (les deux EPR chinois de) Taishan et on aurait intégré Areva", dont l'activité réacteurs est en cours de rachat par EDF.
La fédération CGT mines-énergie (FNME CGT) est aussi montée au créneau lundi: "il est temps que le gouvernement et le président d'EDF décident de différer ce projet qui conduirait l'entreprise à un risque de rupture majeur".
EDF a dû prendre une participation majoritaire de 66,5% dans la future centrale après le retrait d'Areva - le concepteur de l'EPR - en raison de ses affres financiers.
Cela signifie que l'électricien devra consolider l'investissement dans ses comptes, alors que son bilan affichait déjà une dette nette de 37,4 milliards d'euros fin 2015 et que d'autres défis majeurs l'attendent, comme la maintenance lourde de ses réacteurs français pour environ 50 milliards d'euros.
"L'Etat français a été sollicité pour se substituer à l'engagement qu'Areva avait pris en 2013 de prendre 10%, il a dit non. Et tant que Flamanville ne sera pas connecté au réseau, aucun autre investisseur ne prendra de risques sur un produit dont on ignore si on peut le fabriquer. A part les Chinois qui ont acheté un ticket d'entrée en Europe", a-t-on encore expliqué dans l'entourage d'EDF.
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