A l'issue d'un premier round de consultations avec les syndicats de salariés, le Premier ministre a redit à ses interlocuteurs que "des choses pouvaient bouger" mais les syndicalistes sont restés largement dans l'expectative, les réponses précises étant renvoyées à une "restitution" le 14 mars.
Le numéro un de la CFDT Laurent Berger, dont le soutien à la réforme est crucial pour l'exécutif, est reparti sans réponse claire à ses demandes, notamment le retrait de la barémisation des indemnités prud'homales, la réécriture de l'article sur le licenciement économique ou l'encadrement du forfait-jour.
"Nous avons été écoutés, il nous a été dit que la porte était ouverte au dialogue, que des choses pouvaient évoluer, qu'il y avait des espaces. Mais il ne nous a pas été donné de réponses parce que les auditions ne sont pas terminées", a-t-il dit à l'issue de la rencontre dans l'après-midi avec Manuel Valls, qui avait reçu la CFTC, FO puis la CGT en début de journée.
Les règles du licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud'homales sont les deux chiffons rouges agités par les syndicats. L'abandon de ce deuxième point est une "condition sine qua non" pour la CFDT, avait averti M. Berger en arrivant à Matignon. M. Valls a promis dimanche des "améliorations" sur ces deux points.
Toutefois, le retrait que réclament tous les syndicats ne semble pas à l'ordre du jour, a assuré Philippe Louis (CFTC) après sa rencontre avec M. Valls, même s'il a noté des "ouvertures".
Par exemple, le projet initial de la loi El Khomri accorde la primauté à l'accord d'entreprise sur la branche pour le temps du travail, ce que les syndicats rejettent. Or, "j'ai senti qu'on pouvait réguler au niveau de la branche certaines négociations qui n'auraient pas abouti au niveau de l'entreprise", a salué M. Louis.
- "Plat de lentilles" -
FO et la CGT, reçues ensuite, n'ont pas changé de ligne. Philippe Martinez, numéro un de la CGT, a réclamé "le retrait" du projet.
Même attitude chez FO: "Je ne négocie pas un plat de lentilles, on veut le repas complet", a taclé Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat, menaçant d'actions autres que celles déjà programmées les 9 et 31 mars.
La CFDT a pour sa part maintenu son appel à des "rassemblements" le 12, avec la CFE-CGC, l'Unsa et la CFTC.
Côté patronat, la CGPME a ouvert le bal à 16H30. Ces concertations se poursuivront mardi avec la CFE-CGC (cadres) et le Medef, et mercredi avec l'UPA et l'Unsa, avant la réunion plénière du 14 mars.
La marge de manoeuvre est étroite pour le gouvernement, désireux de ne pas braquer le patronat, qui a déjà mis en garde contre un "affadissement" de la réforme.
"Même sans les +résidus de la loi Macron+ (sur les indemnités de licenciement, ndr), le gouvernement pourrait déjà se flatter d'une loi réformatrice si elle est votée", plaide un ministre.
Ce projet de loi, dont la présentation en conseil des ministres a été repoussée du 9 au 24 mars pour laisser au gouvernement le temps de le "retravailler", est censé répondre au chômage de masse et à la précarité, comme l'a redit lundi Emmanuel Macron. Il est jugé trop favorable aux entreprises par les syndicats et une partie de la gauche.
Face à la nouvelle journée de grèves et manifestations prévue mercredi, 58% des Français, à l'image de l'ancien ministre du Travail Xavier Bertrand (Les Républicains) voient déjà le mouvement prendre autant d'ampleur que la fronde anti-CPE (contrat première embauche) il y a dix ans, selon un sondage.
La contestation est forte aussi dans les rangs du Parti socialiste, et le Premier ministre devra convaincre les députés de son propre parti, réunis mardi soir pour un séminaire spécial.
Auparavant, Myriam El Khomri aura lundi soir la lourde tâche d'aller défendre son texte devant le bureau national du parti.
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