"C'est honteux, tout simplement. Le fait que ce soit fait en cachette renforce l'aspect honteux. La Légion d'honneur a valeur d'exemplarité, c'est censé être public. Cela montre que nous sommes otages de nos relations commerciales avec l'Arabie saoudite, comme avec le Qatar", a protesté auprès de l'AFP le porte-parole d'EELV Julien Bayou.
Rappelant que le président de la République avait promis dans son discours du Bourget de "ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris", M. Bayou a estimé que l'attitude de M. Hollande était "presque pire" que celle de son prédécesseur Nicolas Sarkozy lorsqu'il "recevait les dictateurs de la Méditerranée". "C'est presque pire, puisque c'est en catimini", a-t-il fustigé.
"Si le président de la République fait ça discrètement, c'est peut-être qu'il a honte de son geste, ou peut-être qu'il considère que cette décoration n'est pas méritée", a de son côté ironisé la présidente du Front national Marine Le Pen.
Dimanche, le vice-président du parti Florian Philippot s'était fendu d'un tweet rageur: "Hollande décore de la Légion d'honneur le prince héritier d'Arabie Saoudite: doit-on parler de légion du déshonneur? Soumission des élites".
Des critiques se sont également élevées dans les rangs des Républicains, le député Thierry Solère affirmant que la France devrait "être plus ferme" et "exiger un comportement différent" de l'Arabie saoudite.
- La Légion d'honneur 'récompense les citoyens les plus méritants' -
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault s'est efforcé de déminer la polémique en invoquant une "tradition diplomatique" et une cérémonie qui n?avait "rien de solennel", même s'il a dit "comprendre" les réactions négatives.
Le député PS Christophe Caresche (aile droite du parti) a de son côté relativisé les critiques, y voyant "l'éternel débat (...) entre ceux qui pensent qu'il faut privilégier la dimension des droits de l'Homme" et "le réalisme". "Nous avons des intérêts, la France a des intérêts à défendre", a-t-il justifié sur LCP.
La remise de la Légion d'honneur au responsable saoudien, également ministre de l'Intérieur, s'est déroulée vendredi au Palais de l'Elysée, sans que la présidence en informe les médias. C'est l'agence de presse saoudienne SPA qui, en rendant compte de la visite du prince héritier, a fait état de cette décoration.
Les critiques ont immédiatement fusé sur les réseaux sociaux, alors que depuis le début de l'année le régime saoudien a procédé à 70 exécutions, la dernière ayant eu lieu dimanche avec la décapitation d'un Saoudien condamné à mort pour meurtre.
Il y a moins de deux semaines, le Parlement européen avait adopté à une large majorité une résolution demandant un embargo sur les livraisons d'armes à l'Arabie saoudite, critiquant ses frappes aériennes au Yémen et le blocus maritime imposé à ce pays, qui ont fait "des milliers de morts".
La France entretient des relations très suivies avec l'Arabie saoudite, allié important en Syrie dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) et avec Paris a conclu d'importants contrats d'armement.
En 2015, 153 personnes ont été exécutées en Arabie saoudite, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels, un niveau inégalé depuis 20 ans dans ce royaume ultra-conservateur régi par une interprétation rigoriste de la loi islamique.
La Légion d?honneur, "plus haute distinction française" a vocation à "récompenser les citoyens les plus méritants dans tous les domaines d?activité", selon le site officiel dédié à la Légion. Chaque année environ 3.000 personnes sont distinguées, dont quelque 400 étrangers.
D'autres décorations de la Légion d'honneur ont par le passé suscité des protestations, notamment celle de Vladimir Poutine en 2006 ou encore celle du patron du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi en 2015.
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