Leur sommet extraordinaire à Bruxelles devait marquer un durcissement de la réponse européenne à la crise migratoire, entérinant dans ses conclusions finales la fermeture de cette route empruntée l'an dernier par plus de 850.000 migrants ralliant le nord de l'Europe, mais l'Allemagne a soulevé de fortes réserves.
"Le flux des migrants irréguliers le long des Balkans occidentaux arrive à son terme. Cette route est désormais fermée", peut-on lire dans un projet de déclaration finale du sommet, selon une version datant de dimanche soir.
Ce texte semblait aussi donner l'assentiment des dirigeants européens à un fait accompli après la quasi-fermeture des frontières en Europe centrale et dans les Balkans, décidée unilatéralement par certains pays pour stopper les arrivées.
Du fait de ces restrictions, plus de 30.000 migrants sont aujourd'hui bloqués dans des conditions misérables en Grèce, dont quelque 13.000 à la frontière avec la Macédoine.
Mais "il ne peut s'agir de fermer quoi que ce soit", a lancé lundi la chancelière allemande Angela Merkel, "ce qui importe, c'est que l'on trouve une solution durable avec la Turquie", a ajouté Mme Merkel, prévenant que le sommet pourrait durer de "longues heures".
Avant une réunion à 28, les dirigeants européens retrouvaient à la mi-journée pour un "déjeuner de travail" le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, qui avait déjà eu une réunion à huis clos dimanche soir avec la chancelière.
La dirigeante allemande a renoncé ces derniers mois à sa politique de porte ouverte aux réfugiés, insistant désormais davantage sur la nécessité d'une frontière gréco-turque plus hermétique et d'une solution européenne coordonnée.
- 'Moyennement optimiste' -
"Je suis de retour à Bruxelles pour ce second sommet UE-Turquie en trois mois", a souligné M. Davutoglu lundi. Cela "montre à quel point la Turquie est indispensable pour l'UE et l'Europe pour la Turquie".
En plus des migrants économiques irréguliers, "il est très important que la Turquie soit prête à reprendre tous les réfugiés non-syriens", a lancé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.
"On veut également avoir un zéro en vue pour le flot de réfugiés syriens (quittant les côtes turques), on va voir quelles mesures peuvent être prises", a-t-il ajouté, tout en se disant "moyennement optimiste" lorsqu'il a été interrogé sur les "concessions" que la Turquie pourrait faire.
Ce sommet survient dans un climat de frictions récurrentes entre l'UE et Ankara, candidate de longue date à l'adhésion, les Européens s'inquiétant de la répression contre les médias opposés au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.
La crise migratoire a provoqué des divisions au sein de l'UE, menaçant son existence même selon certains, et en tous cas l'un de ses acquis les plus emblématiques, la libre circulation au sein de l'espace Schengen.
La Commission européenne a fixé un cap pour un retour à la normale, en demandant que les contrôles frontaliers à l'intérieur de Schengen, réintroduits temporairement dans huit pays, disparaissent d'ici la fin de l'année.
Mais cette perspective exige que les flux vers l'Europe se tarissent et que tous les migrants économiques soient rapidement renvoyés hors de l'UE, notamment vers la Turquie, qui les renverra à son tour vers leur pays d'origine, en vertu d'un accord de réadmission qui doit entrer en vigueur le 1er juin.
15.000 à 20.000 migrants continuent d'arriver chaque semaine de Turquie sur les côtes grecques, moins qu'à l'automne, mais en nombre "beaucoup trop élevé", selon les dirigeants européens qui craignent un nouvel afflux au printemps. Le naufrage dimanche d'au moins 25 migrants, dont 10 enfants, au large de la Turquie, est venu rappeler à quel point la traversée en mer Egée est dangereuse.
- 'Un problème européen' -
Les Européens veulent aussi que la Turquie renforce la lutte contre les passeurs, avec l'aide de navires de l'Otan en mer Egée, qui peuvent désormais "opérer dans les eaux territoriales" grecques et turques, selon le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg.
Mais les Européens doivent aussi tenir les engagements qu'ils ont pris à 28 pour trouver une solution à la crise.
La crise migratoire "n'est pas le problème d'un seul pays, c'est un problème européen, et nous devons trouver une solution collective", a plaidé lundi le Premier ministre grec Alexis Tsipras.
Il a notamment appelé les pays européens à respecter rapidement leur promesse d'accueillir 160.000 demandeurs d'asile devant être répartis dans l'UE depuis l'Italie et la Grèce, alors que seulement 884 l'ont été à ce jour.
L'UE également doit rapidement débloquer une aide humanitaire inédite de 700 millions d'euros sur trois ans pour ses pays en première ligne, principalement la Grèce.
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