"Le directeur financier a présenté sa démission la semaine dernière à Jean-Bernard Lévy (le PDG d'EDF, ndlr) en raison d'un désaccord sur Hinkley Point", a-t-on indiqué dimanche dans l'entourage du groupe.
Le désaccord porte "sur la faisabilité à court terme" de ce projet gigantesque de 18 milliards de livres (23,2 milliards d'euros), pour lequel EDF tarde à prendre une décision finale d'investissement, ultime étape pour sa concrétisation.
Le groupe contrôlé à 84,5% par l'Etat français n'a pas souhaité faire de commentaire, mais selon la même source, l'annonce officielle de la démission devrait intervenir lundi.
Elle a aussi précisé que le directeur financier ne souhaitait pas précipiter l'érection des deux réacteurs, censés entrer en service en 2025 sur le site d'Hinkley Point C, dans le sud-ouest de l'Angleterre. "Il a estimé qu'à un moment, il fallait prendre ses responsabilités", a-t-elle dit.
D'après l'agence Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, Thomas Piquemal s'inquiétait notamment que la décision finale d'investissement puisse être annoncée dès début avril.
Cette opération compromettrait, selon lui, la santé financière du groupe, déjà confronté à d'importants défis ces prochaines années, dans un environnement énergétique déprimé en Europe et un contexte réglementaire jugé défavorable.
Lors de la publication des résultats annuels d'EDF mi-février, le PDG Jean-Bernard Lévy avait assuré que cette décision finale était "très proche".
- Coup dur pour l'EPR -
EDF a dû prendre une participation majoritaire de 66,5% dans la future centrale, aux côtés de l'entreprise publique chinoise CGN qui assumera un tiers du financement après le retrait d'Areva - le concepteur de l'EPR - en raison de ses affres financiers.
Cela signifie que l'électricien devra consolider l'investissement dans ses comptes, alors que son bilan affichait déjà une dette nette de 37,4 milliards d'euros à la fin 2015 et que son cours de Bourse a fondu de plus de moitié en un an.
Parallèlement, EDF devra assurer son grand carénage, à savoir la maintenance lourde de ses 58 réacteurs français, estimée à environ 50 milliards d'euros. Il devra aussi financer le rachat de l'activité réacteurs d'Areva, tout en poursuivant son objectif stratégique de doubler son parc de production d'énergies renouvelables à l'horizon 2030.
A court terme, le groupe a pour principal enjeu d'affronter l'effondrement des prix de marché de l'électricité dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Les inquiétudes de Thomas Piquemal sur Hinkley Point rejoignent celles des syndicats d'EDF: ils demandent le report du projet, qui a fait l'objet d'un accord commercial en octobre 2015, craignant eux aussi que le coût de la construction ne menace l'existence de l'électricien public.
La France et la Grande-Bretagne avaient pourtant réaffirmé jeudi leur attachement au projet, qualifié de "pilier" de leur relation bilatérale.
"Ce projet stratégique majeur constituera un élément-clé de la politique énergétique britannique, en offrant à l'horizon 2025 la garantie d'une électricité sûre, compétitive et sobre en carbone", avaient écrit les deux pays dans un document diffusé à l'issue d'un sommet franco-britannique à Amiens.
Deux jours auparavant, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, était déjà monté au front pour défendre la construction des deux EPR, la qualifiant de "très bon investissement" pour l'électricien français.
L'annonce de la démission du directeur financier est aussi un nouveau coup dur pour l'EPR, produit phare de la filière nucléaire tricolore, qui accumule déjà d'importants déboires à Flamanville (Manche) et en Finlande, où il est en cours de construction.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.