"Pour la première fois depuis le début de la crise des migrants, je peux voir un consensus européen émerger autour d'une stratégie globale, qui, si elle est mise en oeuvre de façon loyale, peut aider à endiguer les flux", explique M. Tusk dans une lettre d'invitation au sommet extraordinaire européen organisé avec la Turquie lundi à Bruxelles.
Il a rencontré vendredi à Istanbul le président turc Recep Tayyip Erdogan pour l'exhorter à faire davantage afin de ralentir les départs vers l'Europe. M. Tusk bouclait un périple entamé lundi à Vienne sur la "route des Balkans", la plus empruntée par les migrants en provenance de Turquie qui ont traversé la mer Egée jusqu'en Grèce. Il a ensuite visité Ljubljana, Zagreb, Skopje, Athènes, Ankara, Istanbul et Belgrade.
"Les pays de la route des Balkans, y compris ceux qui ne sont pas membres de l'UE, sont tous prêts et déterminés à revenir à l'application totale de nos règles et décisions communes, y compris le code Schengen", affirme Donald Tusk.
- Sauver Schengen -
Dans sa lettre, il fait écho à la publication vendredi de la "feuille de route" de la Commission européenne pour un retour au "fonctionnement normal" de l'espace de libre circulation de Schengen d'ici à fin 2016. Depuis septembre, huit pays ont provisoirement rétabli les contrôles à leurs frontières pour freiner les arrivées.
"La création de l'espace Schengen sans frontières intérieures a apporté d'importants avantages aux citoyens européens comme aux entreprises", a plaidé la Commission, qui chiffre à entre cinq et 18 milliards par an les coûts directs générés par un retour aux contrôles frontaliers.
Incapables d'apporter une réponse coordonnée, les 28 de l'UE se déchirent tandis que les flux de migrants se poursuivent, avec plus de 130.000 arrivées en Europe depuis janvier, d'après le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR).
Plus de 1,25 million de demandes d'asile, émanant principalement de Syriens, d'Afghans et d'Irakiens, ont été déposées l'an dernier dans l'UE, un chiffre qui a plus que doublé par rapport à 2014, et le plus élevé jamais enregistré, a annoncé l'Office européen de statistiques Eurostat.
- Appel à la Turquie -
"Il y a un besoin immédiat de pallier les récentes failles dans la protection de la frontière extérieure (de l'UE) en Grèce", où ont transité illégalement plus de 868.000 personnes en 2015, a réaffirmé vendredi la Commission.
Selon Athènes, près de 32.000 réfugiés et migrants se trouvent actuellement sur le sol grec. La Grèce refuse d'"enfermer" chez elle des réfugiés qui "veulent continuer leur route" vers le nord-ouest de l'Europe, insiste son Premier ministre Alexis Tsipras dans un entretien avec le quotidien allemand Bild à paraître samedi.
Jeudi, Donald Tusk avait tenté à Athènes de décourager les migrants économiques. "Ne venez pas en Europe. Ne croyez pas les passeurs. Ne risquez pas vos vies et votre argent. Tout cela ne servira à rien", avait-il imploré.
Au moment où la Turquie est plus que jamais considérée côté européen comme un partenaire clé pour maîtriser la situation, M. Tusk a profité d'une rencontre jeudi avec le Premier ministre Ahmet Davutoglu pour rappeler que les arrivées de migrants restaient "encore beaucoup trop élevées".
La Turquie, qui accueille 2,7 millions de réfugiés syriens, s'est engagée en novembre à ralentir ce flux en échange d'une aide de trois milliards d'euros et d'une accélération de sa procédure de candidature à l'UE. Mais cet accord avec l'UE n'a pas donné les résultats escomptés.
La Turquie a fait savoir cette semaine qu'elle était prête à signer avec 14 pays un accord de réadmission de leurs ressortissants sur leur sol.
A l'issue d'entretiens vendredi à Athènes avec son homologue grec Nikos Kotzias, le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a précisé que 91% des "860 demandes de réadmission" adressées à la Turquie par la Grèce avaient été acceptées.
"Nous avons aussi commencé à étudier la possibilité d'une réadmission pour les demandeurs d'asile comme ceux venant du Maroc du Pakistan ou d'Afghanistan", a ajouté M. Cavusoglu.
Sur le terrain, la fermeture partielle des frontières sur la route des Balkans a piégé des milliers de personnes en Grèce, faisant planer la menace d'une crise humanitaire.
Les arrivées sont incessantes à Idomeni, à la frontière gréco-macédonienne. "Les gens sont angoissés", explique Stella Nanou, du HCR, "ils veulent aller à la frontière, ils ont peur de ne jamais pouvoir continuer la route".
Et quelque 3.000 personnes - des Syriens, des Irakiens, des Iraniens et des Afghans- se pressaient vendredi au port du Pirée, selon le HCR. Couvertures posées par terre, des familles sont accroupies avec des enfants dans les bras. Les plus chanceux dorment sous des tentes.
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