Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve va défendre à partir du milieu de l'après-midi dans l'hémicycle ce volet du projet de loi de "lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement", discuté en première lecture jusqu'en fin de semaine.
Critiqué notamment par des parlementaires de gauche et par des associations et magistrats, en raison selon eux d'une atteinte aux libertés et d'une mise à l'écart du juge judiciaire, ce texte vise à prendre le relais du régime de l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre.
Il ne s'agit "pas du tout" d'introduire "dans le droit commun des mesures applicables seulement dans le cadre de l?état d?urgence", mais une nouvelle fois "d?adapter notre arsenal pénal aux évolutions de la menace terroriste", a pris soin de préciser M. Cazeneuve dès l'ouverture des débats mardi.
Pour une majorité du groupe Les Républicains, les mesures proposées, même si certaines "vont dans le bon sens", restent cependant "assez homéopathiques", selon leur orateur Éric Ciotti, qui prône "une grande loi d?orientation et de programmation contre le terrorisme et contre la grande criminalité".
Disposition majeure du projet de loi, déjà âprement débattue en commission, la possible retenue durant quatre heures après un contrôle d'identité, le temps de vérifier la situation d'un individu, promet de nouvelles joutes mercredi. Le ministre de l'Intérieur a précisé qu'elle visait le cas d'une personne "qui apparaîtrait liée à des activités terroristes" et "faisant l?objet d?une fiche S, notamment à nos frontières".
Une part des écologistes, les radicaux de gauche, le Front de gauche, des socialistes frondeurs et Patrick Devedjian (LR) ne veulent pas d'une retenue administrative, qui "ouvre une période de non-droit", selon Alain Tourret (PRG), pour qui "quatre heures, c?est, par moments, une vie". Ils réclament a minima l'intervention d'un avocat.
Le ministre s'est dit favorable à des amendements pour prévoir qu'aucune audition ne pourra avoir lieu durant ces quatre heures, et que la retenue sera limitée "aux seules personnes ayant un lien direct avec des activités terroristes".
- "Présomption d'irresponsabilité des policiers" -
Autre mesure phare, l'assouplissement des règles d'usage des armes par les forces de l'ordre, au-delà de la légitime défense, doit s'appliquer aux cas de "périple meurtrier", comme lors des attentats de 2015.
Les députés FG et des écologistes dénoncent une "présomption d?irresponsabilité des policiers et autres agents". Quelques socialistes demandent aussi la suppression de cet article, en s'appuyant sur l'avis réservé du Conseil d?État, tandis que des élus LR et FN souhaitent au contraire élargir l'usage possible des armes.
Le projet gouvernemental prévoit par ailleurs un contrôle administratif pour des individus de retour du "jihad".
Aux yeux de M. Cazeneuve, il est "indispensable, pour les personnes non judiciarisées, d?avoir à notre disposition un outil permettant de contrôler les conditions dans lesquelles elles reviennent sur notre territoire et de les inciter à se soumettre à un programme de déradicalisation".
Là aussi, des amendements d'une partie de la gauche visent à supprimer la mesure, perçue comme un "nouveau transfert" du judiciaire vers l'autorité administrative. A l'inverse, des députés LR, UDI et FN entendent durcir les contrôles, voire interdire le retour sur le territoire pour ces personnes.
Enfin, en marge d'un article prévoyant la fouille de bagages, des frondeurs PS et des écologistes vont défendre l'obligation d'un "récépissé de contrôle d'identité", pour lutter contre les discriminations, comme promis par François Hollande en 2012.
D'après le quotidien Le Parisien, la plupart des députés de Seine-Saint-Denis, de tous bords, y seraient favorables. Le collectif "Stop le contrôle au faciès" affirme avoir recensé, en moins de cinq ans, près de 300 personnes s'en disant victimes.
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