"On ne part pas des catégories habituelles, spatiotemporelles, de l'histoire de l'art", explique Jean-Hubert Martin, concepteur de "Carambolages"(du 2 mars au 4 juillet) et pionnier de l'interrogation sur les pratiques des musées. "Ici pas de grand discours à l'entrée qui vous dit +si vous n'avez pas compris tout ça, c'est que vous allez rater tout le propos de l'exposition+".
Une phrase en néon de Maurizio Nanucci sert de devise : "Listen to your eyes " ("Écoute avec tes yeux"). "On invite le visiteur à reprendre toute sa liberté avec son bagage, ses références, son imagination", poursuit le commissaire.
Autre symbôle, une planche de photos de l'historien d'art britannique Aby Warburg. Elle était destinée à "L'Atlas Mnémosyne", un projet d'ouvrage rassemblant ses recherches sur la permanence de formes à travers les âges et les cultures.
"Mnémosyne", c'est aussi le titre de l??uvre d'Anne et Patrick Poirier par laquelle s'ouvre le parcours : une grande maquette d'une ville imaginaire en forme de cerveau, chaque quartier ou bâtiment correspondant à une zone cérébrale.
A côté, une tête en cire de Gilles Barbier où ces zones ont reçu des dénominations tout aussi fantaisistes que sexuelles. Elle jouxte un demi-crâne décoré de Bornéo, lui-même suivi par un tableau d'Erro où le cerveau de Jackson Pollock est assailli par la peinture des grands noms de l'art moderne...
"Chaque ?uvre est en relation avec ses voisines, elle est prédite par la précédente et annonce la suivante, comme un travelling", précise Jean-Hubert Martin.
- Magnets et livre-accordéon -
Toiles, sculptures, objets sont présentés dans des travées parallèles entre lesquelles zigzaguera le public. Pas de légende explicative mais des petits écrans sur lesquels défilent photos et titres des ?uvres. Pour en savoir plus, il faut se tourner vers le catalogue, objet d'art à lui tout seul : un livre-accordéon où se déploient les photos des ?uvres, deux livrets d'accompagnement, le tout sous emboitage.
Au mitan du parcours, devant un grand mur de magnets, représentant chacun une pièce, le visiteur pourra jouer à réorganiser l'exposition, selon ses propres critères, et créer ainsi son "carambolage" personnel.
"C'est une exposition qui met sur un plan d'égalité des objets de cultures très différentes". Elle "n'impose pas une vision de l'histoire de l'art", qui "est restée une histoire coloniale", relève Jean-Hubert Martin, créateur des "Magiciens de la terre", à Paris en 1989. Cette exposition fondatrice a fait connaître les arts actuels non occidentaux d'Asie, d?Afrique et d?Amérique latine.
Une séquence typique autour de l??il enchaîne une idole mésopotamienne (IVè millénaire av J.C.), un ex-voto de la Grèce antique, un tableau du 18e sur la vision du prophète Zacharie (sept yeux sur un rocher), un masque Konden (Guinée), puis un exubérant masque bolivien de carnaval.
Sur celui-ci figurent des cornes, thème d'une nouvelle série avec "Le couple diplomatique" (un taureau et une femme), de l'artiste Friedrich Schröder-Sonnenstern, un cerf du schizophrène Martin Ramirez et un monstre gardien de tombeau de la Chine ancienne...
Jean-Hubert Martin a constitué depuis des années une banque de 2.000 images, désormais sur ordinateur. Il a déjà composé son "expo idéale", mais "faire venir les ?uvres du monde entier coûterait trop cher".
En attendant, le visiteur de "Carambolages" pourra faire des découvertes : Napoléon vu par Hitler, des toiles abstraites d'Hergé et de Walt Disney, la peinture violemment antinazie de l'Alsacien Joseph Steib, le bronze d'Emmanuel Fremiet (1887-88) à l'origine du mythe King Kong.... Et admirer des chefs d??uvre comme "Les Avatars de Vénus", installation vidéo de Jean-Jacques Lebel, ou la "Tête de cerf percée d'une flèche" de Dürer.
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