Depuis lundi et le début les travaux visant à déblayer tous les abris de cette zone du plus grand bidonville de France - dans laquelle survivent entre 800 et 1000 migrants selon la préfecture, mais 3.450 selon les associations - les travailleurs sociaux redoublent d'effort pour proposer des solutions d'hébergement plus salubres.
"Votre avenir n'est pas ici, nous avons des solutions à vous proposer", explique en anglais à un groupe d'une dizaine de Soudanais, regroupés autour d'un feu dans des températures glaciales, Serge Szarzynski, directeur départemental du Pas-de-Calais de la cohésion sociale, dans un gilet orange siglé "préfecture".
Trois options sont offertes aux candidats à l'exil : accepter l'une des places chauffées dans le campement en dur du Centre d'accueil provisoire (CAP) au sein de la "jungle", rejoindre l'une des tentes bleues de la Sécurité civile près du centre d'accueil de jour Jules-Ferry, ou alors réserver une place dans l'un des départs du jour en bus vers l'un des 102 Centre d?accueil et d'orientation (CAO) en France, où ils seront fortement incités à effectuer une demande d'asile.
Les échanges s'apparentent cependant bien souvent à un dialogue de sourds : les migrants ne comprennent pas pourquoi, après un périple de plusieurs milliers de kilomètres d'une difficulté extrême, on les oblige à quitter leur nouvel habitat, fût-il très précaire et insalubre.
"Mais nous ne voulons pas partir d'ici! Nous avons déjà fui des pays en guerre, connu la violence. Les gens ne veulent pas nous voir ici, mais qu'auriez-vous fait à notre place?", lui répond énervé, emmitouflé dans sa veste à capuche, Bilal, un jeune Soudanais qui a fui les combats au Darfour l'an dernier.
- "Maintenant, vous bougez !" -
Le groupe est quand même curieux et demande quelles sont les conditions pour bénéficier d'une place dans le CAP pourtant tout proche. Après quelques secondes d'attention, ils refusent catégoriquement, notamment en raison du système de contrôle morphologique de la main, craignant que leur empreinte ne soit conservée.
Après dix minutes de discussion avec un traducteur, certains acceptent un départ par bus en fin de journée, en direction d'un CAO à Marseille. Ils s'ajouteront aux 2.820 migrants ayant déjà opté pour cette option depuis octobre.
Les huit travailleurs sociaux de l'Association unifiée pour le développement de l'action sociale solidaire et émancipatrice (Audasse) poursuivent leur chemin en direction d'une autre cabane grise à la bâche trouée et dont la destruction est actée, alors qu'à une vingtaine de mètres derrière eux, les ouvriers de la société Sogéa, mandatée par l'Etat, détruisent les abris de fortune laissés vides.
Une quinzaine de migrants enveloppés dans des doudounes, de grosses chaussettes et pour les plus chanceux d'un bonnet, entourés de quelques bénévoles associatifs, expliquent à nouveau leur refus de bouger: "nous avons connu la prison et la torture, nous n'avons pas peur de la police", lance l'un d'eux.
Plus tendus, les pourparlers s'éternisent. Cette fois, l'option du CAP et son système de contrôle considéré par certains comme suspect n'est plus au menu, seules les tentes bleues et les départs en CAO seront proposés.
Mais pas question pour eux de partir, ils n'ont qu'un objectif : rejoindre la Grande-Bretagne. Excédé, un agent de la préfecture leur lance: "maintenant, vous prenez vos affaires et vous bougez, dans cinq minutes ils vont tout casser!".
Le groupe restera en place jusqu'à l'arrivée des forces de l'ordre, en nombre, et des ouvriers de la Sogéa. Face à plus forts qu'eux, ils récupéreront leurs derniers biens personnels - boîtes de conserve, coussins et grill - avant de s'enfoncer dans les méandres de la "jungle".
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