L'administration de Barack Obama n'est plus seulement vilipendée depuis des mois pour avoir refusé toute intervention militaire d'envergure en Syrie, mais elle est dorénavant brocardée pour ne pas voler au secours de ses alliés européens, turc, jordanien ou libanais submergés par le flot de réfugiés et de migrants.
Soulignant que "la crise actuelle des réfugiés est de loin la plus grave depuis la fin de la Seconde guerre mondiale", l'ex ambassadeur des Etats-Unis en Irak et en Syrie, Ryan Crocker, estime que cet afflux potentiel de millions de déplacés "n'est pas un problème pour le Moyen-Orient, ni pour l'Europe, (mais) un problème pour le monde et pour l'Amérique".
Pire: cet ancien diplomate donne écho aux inquiétudes de responsables américains qui évoquent ces dernières semaines en privé une menace "existentielle" sur l'Europe et il redoute lui aussi que "le flot de réfugiés défasse l'Union européenne en tant que construction politique".
Quant aux "Etats en première ligne, la Turquie, la Jordanie et le Liban, ils risquent de chanceler", avertit-il. De fait, le roi Abdallah II, dont le royaume jordanien accueille des centaines de milliers de Syriens, avait sonné l'alarme du point de rupture.
Alors, M. Crocker réclame au gouvernement américain d'organiser au plus vite "un sommet mondial sur les réfugiés" car "ni la région (le Moyen-Orient, ndlr), ni l'Europe ne peuvent surmonter" la crise.
Mais, selon l'ambassadeur américain, l'administration Obama a jusqu'à présent péché par "manque de leadership", alors que seule l'Amérique "peut faire la différence" pour régler la crise.
- 'Crise mondiale' -
Accusée par ses opposants de conduire une politique étrangère "isolationniste" à l'égard du monde arabe et de l'Europe et de ne plus vouloir se mêler des conflits armés régionaux, l'administration démocrate défend sans relâche son engagement diplomatique et humanitaire pour la Syrie.
Le secrétaire d'Etat John Kerry a même reconnu lundi soir, pour la première fois, que la crise des réfugiés était un "défi mondial" et non plus uniquement "régional" pour le Moyen-Orient et l'Europe. Il a admis qu'il s'agissait dorénavant d'un "test pour nous tous" et non plus du "problème de quelqu'un d'autre".
Face au Congrès républicain, M. Kerry, qui parraine avec Moscou un cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide humanitaire en Syrie, avait vanté la semaine dernière le fait que Washington était "le plus important donateur" humanitaire pour la Syrie avec "plus de 5,1 milliards de dollars" débloqués en cinq ans.
Le président Obama s'est aussi engagé à l'automne dernier à ce que les Etats-Unis accueillent 100.000 réfugiés de toutes nationalités d'ici au 30 septembre, dont 10.000 Syriens. Pour l'année 2016, ils sont pour l'instant tout juste 942 Syriens à avoir franchi toutes les étapes d'admission sur le sol américain, selon des chiffres officiels.
"Vous ne pouvez pas exercer du leadership si vous n'êtes pas un leader", tacle Eric Schwartz, ancien cadre du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche et ex responsable au département d'Etat des politiques pour les réfugiés et les migrations.
L'association américaine Human Rights First formule la même critique de fond, soulignant la "nécessité d'un leadership des Etats-Unis", dans un rapport de terrain assassin sur la "dégradation de la situation des réfugiés syriens". L'auteure du rapport, Eleanor Acer, dénonce "l'échec pour régler la crise des réfugiés (qui) sape les intérêts de la sécurité nationale des Etats-Unis, menace la stabilité des pays en première ligne et contribue à la désunion de l'Europe".
Elle réclame "au gouvernement américain un objectif d'accueil de 100.000 Syriens en 2017, un engagement qui correspondrait davantage à la tradition de leadership américain et aux intérêts de la sécurité nationale".
De surcroît, abonde M. Schwartz, "une telle initiative encouragerait certainement d'autres pays à en faire plus".
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