Dans ce long-métrage de Thomas McCarthy ("The Visitor"), qui était nommé six fois aux Oscars et a battu le favori "The Revenant" d'Alejandro Iñarritu, les acteurs américains Michael Keaton, Mark Ruffalo et la Canadienne Rachel McAdams interprètent des journalistes du quotidien dont la cellule d'investigation, Spotlight, avait révélé l'affaire en 2002.
"Ce film a donné une voix aux survivants. Et l'Oscar amplifie cette voix, en espérant qu'elle devienne une chorale qui résonnera jusqu'au Vatican", a déclaré le co-producteur Michael Sugar en recevant la récompense, avant de s'adresser directement au pape François: "Il est temps de protéger les enfants et de rétablir la foi".
Film indépendant au budget de 20 millions de dollars, "Spotlight" a déjà récolté deux fois et demi sa mise dans les salles du monde entier.
L'enquête du Boston Globe avait permis de révéler comment la hiérarchie catholique locale, avec à sa tête le cardinal Bernard Law, avait de manière systématique, et souvent cynique, couvert des abus sexuels commis par quelque 90 prêtres à Boston et dans les environs au cours de plusieurs décennies.
Ces différents articles avaient valu aux journalistes de recevoir le prestigieux Prix Pulitzer.
"Montrez-moi que c'était systémique, que c'est venu du haut de la hiérarchie", intime dans le film le rédacteur en chef du journal, Marty Baron, joué par Liev Schreiber, à ses troupes. Têtu et déterminé, il les incite à la patience, et à creuser encore et encore.
Le casting entier, y compris John Slattery ("Mad Men") incarnant son adjoint ou Stanley Tucci en avocat désabusé, a été honoré par le prix de la meilleure distribution du Syndicat des acteurs Hollywood (SAG).
Des centaines de victimes avaient fini par témoigner et ce scandale de pédophilie a été suivi de nombreuses autres révélations impliquant des membres de l'Eglise à travers le monde, en particulier en Irlande.
"L'Eglise s'est rendue coupable --et continue de le faire dans une certaine mesure-- de violence institutionnelle, non seulement en comptant des violeurs d'enfants dans ses rangs, mais en étouffant leurs crimes. Comment ces actes épouvantables ont-ils pu être perpétrés pendant des décennies sans que quiconque ne proteste?", s'est interrogé Thomas McCarty.
- Stress post-traumatique -
Au-delà du sujet central de la pédophilie dans l'Eglise, "Spotlight" s'inscrit dans la tradition des grands films qui célèbrent le quatrième pouvoir, comme "Les Hommes du Président" qui racontait l'histoire vraie de l'enquête menée par les journalistes du Washington Post ayant révélé le scandale du Watergate.
"Grâce à ce film, je me suis dit qu'on allait pouvoir montrer l'impact du travail de fond des journalistes d'investigation aguerris", a souligné Thomas McCarthy.
Il se dit cependant "inquiet" de voir "qu'il reste très peu de journalistes d'investigation aujourd'hui par rapport à il y a une quinzaine d'années", dans un secteur de la presse en difficulté.
"Tout ce sur quoi ils ont enquêté était douloureux et horrible, mais ils sont allés au-delà et j'espère que le public comprendra que leur boulot consiste à poser les vraies questions, même les plus difficiles".
Rachel McAdams qualifie d'exemple et d'inspiration la journaliste Sacha Pfeiffer, qu'elle interprète. "Elle a parlé à beaucoup d'hommes qui avaient du mal à se confier sur quelque chose d'aussi douloureux" et à qui elle apportait "une écoute empreinte de compassion".
L'acteur Mark Ruffalo, qui était en lice pour l'Oscar du meilleur second rôle, souligne que les journalistes du Globe ne sont pas ressortis indemnes de leur enquête: "cela leur a coûté quelque chose personnellement à tous de faire sortir cette histoire au grand jour".
"C'était épuisant émotionnellement d'écouter les histoires de tant de gens dont les vies avaient été détruites dès l'enfance", a expliqué Walter Robinson, un membre de Spotlight, lors d'une conférence de presse à Paris.
"Ma femme, qui est infirmière, pense que nous avons subi une forme de stress post-traumatique", ajoutait-il.
D'après lui, le fléau de la pédophilie dans l'Eglise est encore largement sous-estimé: "dans beaucoup d'endroits les cas déclarés sont très peu nombreux parce que l'Eglise n'a pas été forcée de dire la vérité".
"C'est vrai en France et dans beaucoup de pays et dans plusieurs parties des Etats-Unis", conclut-il.
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