Harcèlement, menaces voire violences: les méthodes des collecteurs de crédits mandatés par les banques pour recouvrer les dettes sont tristement célèbres en Russie, le plus souvent en toute impunité.
Alors que le surendettement prend des proportions dramatiques avec la crise économique, les autorités veulent désormais légiférer pour mettre de l'ordre.
Pour Natalia, 69 ans, les problèmes ont commencé l'été dernier. Hospitalisée, elle doit cesser son petit boulot de gardiennage qui lui permettait de compléter sa retraite (environ 150 euros par mois) et la pension d'invalidité de son fils qui vit avec elle (70 euros).
Dans ces conditions, impossible pour cette habitante de la région de Moscou de rembourser les traites liées à sa carte de crédit à la consommation, aux remboursements exorbitants bien qu'elle ne s'en serve plus depuis trois ans.
Les coups de fil se multiplient "jour et nuit", raconte Natalia, qui tait son nom de famille par crainte des représailles. Dans son carnet où elle consigne les numéros utilisés par les collecteurs, elle a noté jusqu'à 18 appels par jour.
Le ton se fait de plus en plus menaçant: "On va venir chez vous voir si vous avez des dents en or", "on va confisquer vos biens", "On va vous faire courir au cimetière"...
"Ils m'ont mis dans un tel état que je n'avais plus la force de sortir de chez moi. Je les ai suppliés mais rien à faire, ils ne font que crier et m'insulter", rapporte la retraitée, au bord des larmes, qui a fait appel à une association de juristes pour tenter d'obtenir une réduction des traites à un niveau acceptable.
- Les impayés enflent -
Le cas de Natalia est loin d'être isolé, ni d'être le plus dramatique de ceux rapportés par la presse: passages à tabac, insultes affichées sur le palier, menaces de s'en prendre aux enfants...
"Depuis un an, on constate une vague de plaintes", constate Irina Malinina, juriste à la tête d'un mouvement qui vient en aide aux emprunteurs "Les impayés et les retards de paiement ont augmenté et donc les visites et coups de téléphone des collecteurs se sont intensifiés", résume-t-elle pour l'AFP.
La récession en Russie, causée par l'effondrement des cours du pétrole et les sanctions occidentales décrétées sur fond de crise ukrainienne, a provoqué une chute du pouvoir d'achat qui a pris de court de nombreux Russes qui avaient accumulé des crédits, disponibles quasi sans contrôles pendant les années de prospérité.
Selon une étude du Bureau national des antécédents de crédit, la part des crédits à la consommation en situation de retard de paiement atteignait 17,8% au premier janvier contre 10,3% un an plus tôt.
Aggravant la situation, les banques ont cherché à se débarrasser des crédits de mauvaise qualité en les revendant à ces agences de recouvrement des créances. Elles ont aussi durci les conditions d'octroi des prêts, poussant les Russes à s'adresser à des petits organismes de micro-crédit prêts à tout pour retrouver les fonds.
La situation est particulièrement difficile en province, où le niveau de vie est très faible et la population peu informée de ses droits.
- Une app anticollecteurs -
Un trentenaire sibérien a créé une application pour smartphone qui permet aux utilisateurs d'alimenter une base de données de numéros des collecteurs pour bloquer leurs appels. Antikollektor, destiné d'abord à sa famille, compte désormais 300.000 utilisateurs, explique Evguéni Piatkovski à l'AFP.
L'objectif est double, selon lui: protéger les proches d'emprunteurs, parfois persécutés alors que non concernés directement, et les détenteurs de crédits eux-même du "stress énorme" que constitue le harcèlement des collecteurs.
Soupçonnées d'indifférence, les autorités se sont saisies du problème face à la multiplication des cas médiatisés. Du côté judiciaire, le Comité d'enquête et le parquet ont promis la fermeté contre un collecteur d'Oulianovsk, sur la Volga, qui a mis le feu fin janvier à l'immeuble d'un emprunteur, provoquant l'hospitalisation d'un enfant de deux ans.
Mi-février, les présidents des deux chambres du Parlement, Sergueï Narychkine et Valentina Matvienko, ont déposé personnellement un projet de loi régulant l'activité des collecteurs, limitant le nombre d'appels possibles, les interdisant la nuit, et pénalisant les formes de harcèlement.
Pour Irina Malinina, il faudrait purement et simplement les interdire. "La Constitution interdit déjà de rentrer dans les logements, de menacer et d'avoir recours à la violence physique", relève-t-elle.
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