Devant quelque 400 journalistes accrédités, contre seulement la moitié lors du précédent congrès en mai 2015, le secrétaire général intérimaire de la Fifa Markus Kattner a ouvert à 9h40 (8h40 GMT) la séance qui devra départager cinq candidats. Il y a deux favoris: le Cheikh Salman (50 ans), président bahreïni de la Confédération asiatique (AFC), et le juriste italo-suisse Gianni Infantino (45 ans), secrétaire général de l'UEFA.
Les trois autres candidats sont le prince jordanien Ali (unique concurrent de Blatter au scrutin de 2015), le Français Jérôme Champagne (ex-secrétaire général adjoint de la Fifa) et l'homme d'affaires sud-africain Tokyo Sexwale, qui a annoncé jeudi qu'il était prêt "à travailler" avec Infantino.
Le nouveau président sera élu dans l'après-midi par 207 fédérations membres de la Fifa et non 209 puisque l'Indonésie et le Koweït, sont suspendus, Chaque fédération dispose d'une voix: Andorre pèse ainsi autant que le Brésil quintuple champion du monde.
La tâche du sucesseur de Blatter promet d'être herculéenne: il s'agit de restaurer auprès du grand public et des sponsors une crédibilité et une confiance en ruines, contrairement au tiroir-caisse (1,5 milliard de dollars de réserves).
Et son poste promet d'être exposé. Aura-t-il à gérer les suites de nouvelles poursuites judiciaires ? Cette éventualité est dans toutes les têtes.
- Coup de filet inédit -
Car d'arrestations en incarcérations, la Fifa vient de vivre neuf mois de crise ouverte, à résonances géopolitiques, après des années de suspicions.
La tourmente débute le 27 mai 2015 à l'aube, quand la police suisse débarque au luxueux hôtel zurichois Baur au Lac pour interpeller sept hauts dirigeants du foot, à la demande de la justice américaine.
Depuis, celle-ci a effectué un coup de filet inédit dans l'oligarchie du ballon rond, essentiellement en Amérique latine, pour des faits de racket, fraude et autres blanchiment d'argent: au total, 39 personnes et deux sociétés sont à ce jour mises en cause.
Depuis, l'attribution de plusieurs Coupes du monde a été questionnée, notamment celle de 2006 en Allemagne, qui vaut des soucis au "Kaiser" Franz Beckenbauer, ou celle de 2010 en Afrique du Sud, autour de Jack Warner, sulfureux potentat des Caraïbes et ex-vice-président de la Fifa.
La justice suisse se penche de son côté sur l'attribution du Mondial-2022 au Qatar fin 2010, qui portait en germe la crise actuelle et constituera l'un des dossiers les plus brûlants sur le bureau du nouveau président.
Depuis, des têtes sont tombées. Dans d'autres affaires parallèles. Joseph Blatter et Michel Platini, président de l'UEFA et considéré comme le grand favori à la succession du Suisse avant d'y renoncer: suspendus six ans de toute activité dans le foot. Jérôme Valcke, N.2 de la Fifa depuis 2007: licencié et suspendu 12 ans.
- Réformes et calculs -
Après ce coup de balai et au bout de neuf mois de chronique judiciaire, la Fifa souhaite accoucher d'un nouveau départ, sur le base du paquet de réformes impulsé par Blatter et soumis à la ratification du congrès, visant une plus grande transparence et une dissociation des fonctions politiques et exécutives.
Les deux favoris ont chacun reçu le soutien officiel de leur zone d'origine, l'Asie (46 voix) pour Salman et l'Europe (53) pour Infantino. Mais le front asiatique s'est effrité: peu avant la mise hors-jeu du Koweit et de l'Indonésie, l'Australie, également membre de l'AFC, a annoncé pencher pour le Prince Ali.
Les Etats-Unis ont fait de même, alors que le Canada a annoncé son soutien à Infantino, qui a également celui de l'Amérique du Sud (10) et centrale (7). Les autres pays du continent américain et l'Océanie (11) n'ont pas donné de consigne de vote.
Plusieurs journaux arabes s'enorgueillissaient des chances de Salman: "Les Arabes sont proches de diriger la Fifa", titrait ainsi le quotidien saoudien Asharq al-Awsat.
Car Salman a reçu l'appui de l'Afrique, le plus gros contingent de voix (54). Infantino a bon espoir d'avoir retourné des électeurs africains. Son profil de technocrate siglé UEFA peut cependant rebuter ceux qui craignent l'européo-centrisme.
Mais le Bahreïni, lui, est fragilisé par les critiques sur son rôle présumé dans la répression des manifestations de 2011 dans son pays. "En tant que membre de la famille royale, le Cheikh Salman incarne un régime qui a réprimé les journalistes et les blogueurs critiques du royaume pendant des années", accuse l'ONG Reporters sans frontières. Vendredi, le très populaire tabloïd allemand Bild parlait même de Salman comme du candidat "le plus sale"...
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