Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien d'opposition Cumhuriyet, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, ont été accueillis par leurs proches et leurs soutiens à la sortie du centre de détention de Silivri, à la périphérie d'Istanbul.
"Enfin libres", jubilait Cumhuriyet sur son site.
Arguant que "leurs droits à la liberté personnelle et à la sécurité ont été violés", la Cour constitutionnelle avait ordonné jeudi qu'un tribunal pénal mette un terme à cette "violation".
"Je pense que c'est une décision historique", a déclaré à sa sortie de prison M. Dündar, cité par l'agence de presse Cihan.
"Elle s'applique à tous nos collègues, à la liberté de la presse et à la liberté d'expression", a-t-il ajouté.
Relevant avec ironie que la date de leur libération, le 26 février, coïncidait avec le jour de la naissance du président Recep Tayyip Erdogan, M. Dündar a déclaré: "Nous sommes très heureux de fêter son anniversaire et notre libération".
Farouches adversaires du régime islamo-conservateur turc, MM. Dündar et Gül sont accusés d'espionnage, de divulgation de secrets d'Etat et de tentative de coup d'Etat, et écroués fin novembre.
En cause, la diffusion en mai d'un article et d'une vidéo sur l'interception par des gendarmes turcs en janvier 2014 à la frontière syrienne de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant des armes destinées à des rebelles islamistes syriens.
Le parquet d'Istanbul a requis à leur encontre la peine la plus lourde prévue par le code pénal turc, la réclusion criminelle à perpétuité, et fixé la date de l'ouverture de leur procès au 25 mars.
- 'Payer le prix fort' -
L'incarcération des deux journalistes, depuis 92 jours déjà, a suscité un tollé en Turquie comme hors de ses frontières: une campagne internationale a été entamée pour réclamer leur libération. L'Union européenne, à laquelle souhaite de longue date adhérer la Turquie, a également demandé leur remise en liberté.
Publié à quelques jours des élections législatives de juin 2015, l'article incriminé avait provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan, dont le gouvernement a toujours catégoriquement nié tout soutien aux groupes islamistes hostiles au président syrien Bachar al-Assad, dont il réclame avec insistance le départ depuis le début de la guerre civile en Syrie, il y a cinq ans.
Les autorités avaient alors affirmé que le convoi intercepté contenait de "l'aide" destinée aux turcophones de Syrie, les Turkmènes.
Le chef de l'Etat, qui a personnellement porté plainte contre les deux journalistes - de même que le chef des services secrets turcs, Hakan Fidan -, avait dénoncé une "trahison" et promis qu'ils allaient en payer "le prix fort".
Son incarcération n'a pas empêché M. Dündar (54 ans), personnalité célèbre en Turquie et auteur de nombreux livres, d'écrire ses habituelles chroniques dans lesquelles il n'exprime pas de regrets, appelant ses lecteurs à ne pas sombrer dans le désespoir.
Le gouvernement turc au pouvoir depuis 2002 est régulièrement montré du doigt par les ONG de défense des droits de l'Homme et de la presse, qui lui reprochent ses pressions de plus en plus grandes sur les médias et l'accusent de vouloir faire taire toute voix critique en Turquie.
Depuis son élection à la présidence en août 2014, M. Erdogan a multiplié les poursuites pour "insultes", visant aussi bien artistes et journalistes que simples particuliers, un délit passible de quatre ans de prison.
La Turquie pointe à la 149e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), juste devant la Russie.
"Nous sommes sortis, mais cela ne veut pas dire que le problème des journalistes emprisonnés est réglé", a réagi M. Gül, cité par Cihan. "Il faut continuer à opposer un front uni aux pressions sur les médias", a-t-il ajouté.
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