Le tribunal administratif de Lille a donné raison à la préfecture sur son arrêté d'expulsion de la partie sud de la "jungle", pris le 19 février et fixant un ultimatum au 23 février, que contestaient en référé 10 associations et quelque 250 migrants. L'audience s'était tenue mardi, mais la juridiction s'était donné un délai pour statuer.
La zone Nord, qui abrite dans des tentes et cabanes 1.000 à 1.200 réfugiés, n'était pas concernée par le contentieux.
Dans son ordonnance, dont l'AFP a obtenu copie, la juge Valérie Quemener estime que l'insécurité, l'insalubrité, les violences, notamment entre migrants et forces de l'ordre et vis-à-vis de riverains, justifient la mesure d'expulsion sur ce secteur où vivent "de 800 à 1.000 migrants" selon la préfecture (3.450 selon les associations). Les "lieux de vie" situés sur cette zone, comme les écoles ou les lieux de culte, seront en revanche préservés. La préfecture s'y était engagée.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rapidement salué cette décision qui, a-t-il déclaré à l'AFP, "en tout point conforte la démarche de mise à l'abri des migrants de Calais et de résorption du campement de la lande engagé par l'Etat".
"Dans un but humanitaire, l'action de mise en protection des réfugiés se poursuivra par la mobilisation de toutes les solutions d'hébergement existantes", a ajouté le ministre. Expulser les migrants par la force n'est pas à l'ordre du jour, selon la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio.
L'Etat privilégie en effet une double solution, dont il tente de persuader la population du bidonville.
D'une part l'hébergement d'une partie de ces migrants dans le Centre d'accueil provisoire (CAP), des conteneurs chauffés jouxtant la "jungle" elle-même où 1.200 personnes se sont installées depuis son ouverture en janvier.
Mais aussi et surtout les départs dans l'un des 102 CAO (Centres d'accueil et d'orientation) disséminés partout en France, loin de Calais, où les migrants sont censés réfléchir à leur projet pour déposer des demandes d'asile, plutôt que de tenter la traversée clandestine vers l'Angleterre, parfois au péril de leur vie. Les associations actives à Calais se montrent cependant régulièrement sceptiques à l'égard de ces transferts vers les CAO, dont elles dénoncent "l'opacité".
- Les associations mécontentes -
Alors que l'arrêté d'expulsion du 19 février mentionnait explicitement le "concours de la force publique" si nécessaire, la préfecture a tenu d'emblée jeudi à apaiser les craintes sur le sujet.
"Nous avons à traiter d'un sujet humain délicat et nous devons privilégier le dialogue (...) Il faut arrêter de parler de victoire et d'ultimatum, on pourra parler de victoire quand tous les migrants seront mis à l'abri", a ainsi déclaré à Calais Mme Buccio devant la presse, depuis le centre d'accueil de jour Jules-Ferry. Et d'insister: "on n'a jamais parlé de bulldozers. Il faudra un mois, peut-être plus, pour appliquer notre arrêté".
Les associations, sur lesquelles compte pourtant s'appuyer la préfecture, ont accueilli cette décision entre fatalisme, anxiété et déception.
"On est déçu puisque cette décision précipite les choses et on va devoir en plein hiver déménager beaucoup de monde. Mais, si j'ai bien compris, l'arrêté d'expulsion va se faire sur plusieurs semaines et d'une manière progressive. C'est précipité, mais c'est mieux qu'une expulsion immédiate, c'est un moindre mal disons", a réagi Michel Jansens, chef de mission MSF, soulignant toutefois la préservation des "lieux de vie" (églises, école...) ordonnée par le tribunal.
Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique, parle pour sa part d'une "rupture de confiance entre migrants et gouvernement". Evoquant un recours devant le Conseil d'Etat, il met en garde contre tout usage de la force publique contre "des personnes qui ont subi des violences tout au long de leur parcours".
L'Auberge des migrants se déclare aussi "un peu fataliste, car on a déjà connu les expulsions, ainsi que les reconstitutions de camps. Le cycle continue".
Comme en écho à ces propos, la maire de Calais Natacha Bouchart, tout en saluant "une décision responsable", s'est dite disposée à prendre toutes les précautions nécessaires "empêchant l'installation de squats à l'issue de ce démantèlement".
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