Dans un discours impromptu lors d'une conférence retransmise par les télévisions, le président Abdel Fattah al-Sissi a ainsi mis un terme à l'acharnement de son pays --où le tourisme était déjà moribond en raison d'une vague d'attentats--, à nier une évidence pourtant reconnue deux semaines après le drame par son homologue russe Vladimir Poutine en personne.
"Le terrorisme a-t-il cessé ? Non ... Qui que ce soit qui ait abattu cet avion, que cherchait-il ? Seulement frapper le tourisme ? Non, à frapper nos relations avec la Russie", a dit M. Sissi en répondant à des questions devant un auditoire de responsables gouvernementaux et économiques.
Le 31 octobre 2015, un Airbus A-321 de la compagnie charter russe Metrojet s'est disloqué soudainement à quelque 10.000 m d'altitude, 23 minutes après avoir décollé de la station balnéaire de Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge dans le sud de la péninsule du Sinaï, bastion de la branche égyptienne de l'EI.
Immédiatement après le crash, cette dernière revendiquait l'attentat en représailles aux bombardements par l'aviation russe de ses positions en Syrie. Plus tard, l'EI publiait sur internet la photo d'une petite bombe dissimulée dans une canette de soda, assurant qu'elle avait été placée à bord par un de ses membres.
Tandis que l'Egypte s'évertuait, probablement pour tenter de sauver le reste de sa saison touristique, à affirmer que rien ne permettait d'affirmer qu'il ne s'agissait pas d'un accident, les enquêteurs russes sur place concluaient rapidement à l'attentat, après avoir décortiqué les boîtes noires et relevé des traces d'explosifs sur les débris.
Le 17 novembre, Vladimir Poutine annonçait qu'il s'agissait d'un "acte terroriste" promettant de punir ses auteurs "en n'importe quel point de la planète". Jusqu'au discours du président Sissi mercredi, l'Egypte ne l'a jamais reconnu, assurant que l'enquête était toujours en cours.
- Laxisme dans les aéroports -
Le Caire a également constamment réfuté tout laxisme dans ses contrôles des bagages et passagers ou du personnel dans ses aéroports, quand les capitales occidentales, Londres en tête, l'en accusaient plus ou moins ouvertement, imposant des contrôles drastiques de leurs appareils à leurs compagnies qui continuaient de décoller du Caire.
Après le crash, le Royaume-Uni avait presque immédiatement annulé ses vols à destination de Charm el-Cheikh et rapatrié ses ressortissants touristes. Peu après, la Russie avait interdit tout vol vers l'Egypte, ramenant également ses ressortissants à bord de vols spéciaux. Charm el-Cheikh était l'une des destinations égyptiennes préférées des touristes russes et britanniques, mais aussi l'une des dernières régions fréquentées par les étrangers qui avaient déserté progressivement les sites archéologiques de l'Egypte antique.
Washington et Londres avaient rapidement, avant même Moscou, affirmé que la thèse de l'attentat était "hautement probable", basant leur analyse sur des interceptions de conversations par leurs renseignements avant le crash. Les médias égyptiens, publics comme privés, avaient alors largement fustigé des théories du "complot" américano-britannique pour nier la thèse de l'attentat et expliquer que l'on tentait d'attaquer l'Egypte en s'en prenant à son tourisme.
Nombre d'attentats et attaques commando, essentiellement perpétrés par l'EI et visant principalement policiers et soldats, ont secoué l'Egypte depuis que M. Sissi, alors chef de la toute puissante armée, a destitué et fait arrêter le 3 juillet 2013 le président islamiste Mohamed Morsi.
Issu des Frères musulmans, M. Morsi était le premier chef de l'Etat démocratiquement élu en Egypte, un an après qu'une révolte populaire dans la lignée des printemps arabes eut mis fin en 2011 au pouvoir de Hosni Moubarak.
M. Sissi, élu président en mai 2014 après avoir éliminé toute opposition de la scène politique, est régulièrement accusé par les organisations internationales de défense des droits de l'Homme d'être encore plus répressif que celui de Moubarak.
Le pouvoir invoque, lui, la nécessité de lutter contre le terrorisme dont il rend les Frères musulmans responsables, ce que nient ces derniers en condamnant les attentats.
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