A 63 ans, le docteur Pierre Blandeau peut enfin savourer sa retraite à La Garnache, bourgade de 5.000 âmes à "25 km de la mer et 40 minutes de Nantes". Il lui aura fallu plus d'un an pour trouver un successeur désireux de reprendre ses patients, après 37 ans de service.
Comme lui, ils seront encore nombreux à partir prochainement: plus d'un quart des médecins ont soixante ans et plus. En baisse de 10% depuis 2007, le nombre de généralistes devrait encore décroître de 7% d'ici à 2020, selon l'Ordre des médecins.
Annonces dans les facs, au conseil de l'Ordre... Le docteur Blandeau avait "tout essayé" avant de poster un message désespéré mais décisif sur... Facebook.
"C'est quand même dommage d'en être arrivé là", déplore-t-il auprès de l'AFP. "Autrefois c'était la guerre pour s'installer, on rachetait la patientèle du médecin qu'on remplaçait", explique celui qui a cédé son matériel gratuitement.
Mais le modèle du "médecin de famille", installé seul à la campagne pour des centaines de patients, n'a plus le vent en poupe. Et l'augmentation de revenus réclamée par les syndicats pourrait ne pas suffire.
"Les jeunes ont envie d'avoir un exercice compatible avec un bon rythme de vie et de travailler en groupe", constate Yves-Marie Vincent, le président de l'Isnar-IMG, syndicat d'internes, s'abstenant de toute revendication tarifaire.
Et la prise en compte du travail de leur conjoint ou des besoins de leurs enfants n'incite guère à l'installation en zone rurale.
Certes, les syndicats de médecins libéraux ont "raison" de réclamer l'équité entre généralistes et spécialistes avec une consultation de base, de 23 euros depuis 2011, à 25 euros, estime-t-on sur le terrain.
Mais "les priorités ne sont plus les mêmes", confirme Emilie Frelat, présidente du syndicat national des jeunes médecins généralistes, rappelant qu'aujourd'hui près de 60% des nouveaux médecins sont des femmes.
- 'Pas de désaffection durable' -
"Habitués à l'hôpital" pendant leur internat, les jeunes sont également plus sensibles aux avantages du salariat en matière de protection sociale.
Prenant acte, le gouvernement a d'ailleurs annoncé la création d'un congé maternité pour les femmes ne pratiquant pas de dépassement d'honoraires.
De quoi rassurer Mylène, généraliste de 31 ans. Si "initialement" elle se voyait "bien avoir son cabinet", la jeune femme, qui se contente pour le moment de remplacements aléatoires à Toulouse, où elle a suivi son conjoint, redoute les contraintes horaires, financières et administratives.
Un sentiment partagé par nombre de ses "amies généralistes qui se tournent vers le salariat, dans des centres de protection maternelle infantile".
Pour autant, Didier Tabuteau, responsable de la Chaire Santé de Sciences-po, ne "croit pas à une désaffection durable de la médecine libérale". "Les jeunes s'installent moins rapidement. Il y a un manque de reconnaissance évident, on est dans une période de perturbations... Mais ils désirent surtout une meilleure organisation", tempère-t-il.
A l'avenir, Mylène souhaite pouvoir collaborer avec au moins un autre médecin. "C'est un métier où l'on est très seul face aux patients qui nous racontent leur vie. Et c'est rassurant de pouvoir demander son avis à un confrère".
A deux mois de la fin de son internat à Nice, Adriaan, 27 ans, exclut lui aussi, de travailler "seul", plébiscitant le "travail pluriprofessionnel" et les maisons de santé où collaborent médecins et paramédicaux.
"Travail administratif géré en commun", plus de flexibilité dans "l'organisation de la permanence des soins" ou possibilité d'échanger avec d'autres professionnels, la maison de santé de Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) était une aubaine pour Laurène, généraliste de 31 ans, mère de deux enfants et originaire de Paris.
Reste que le développement de ce modèle est lui aussi freiné par "le manque de médecins", déplore-t-elle.
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