L'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy a été entendu par un juge financier dans cette enquête ouverte pour favoritisme et détournement de fonds publics. A l'issue de son audition, le juge a également placé Claude Guéant sous le statut plus favorable de témoin assisté pour "complicité de détournement de fonds publics", "une satisfaction" pour son avocat Philippe Bouchez El Ghozi.
Sur les soupçons de favoritisme, le magistrat "a admis que le sujet était difficile en droit", a affirmé l'avocat, en évoquant un débat qui doit encore être tranché par la justice sur l'obligation de passer des appels d'offres à l'Elysée.
Claude Guéant avait été condamné mi-novembre à deux ans de prison avec sursis et cinq ans d'interdiction de toute fonction publique à l'issue du procès sur les primes en liquide du ministère de l'Intérieur, alors qu'il dirigeait le cabinet de Nicolas Sarkozy (2002-2004). Il a fait appel. Il est aussi mis en examen pour faux et blanchiment de fraude fiscale dans l'affaire des soupçons de financement libyen de la campagne Sarkozy en 2007.
Au coeur du dossier des sondages, les contrats passés sans appels d'offres à partir de 2007 avec les sociétés de Patrick Buisson (Publifact puis Publiopinion) et de Pierre Giacometti, tous deux mis en examen pour recel de favoritisme. Avec des soupçons supplémentaires d'avoir détourné des fonds publics pour le premier, ex-patron du journal d'extrême droite Minute qui s'était imposé comme l'un des conseillers les plus influents du président.
L'ex-directrice de cabinet de la présidence Emmanuelle Mignon a également été mise en examen.
La convention signée par Patrick Buisson avec l'Elysée prévoyait d'une part du conseil rémunéré 10.000 euros par mois et octroyait d'autre part à Publifact "l'exécution de sondages", à sa liberté d'appréciation et avec les instituts de son choix.
Dans son rapport de 2009, qui allait conduire l'association Anticor à porter plainte, la Cour des comptes dénonçait le caractère "exorbitant" de la convention, l'Elysée n'ayant "ni la maîtrise ni le contrôle" des dépenses.
- "Vois avec Claude" -
Au final, les enquêteurs ont retrouvé trace de 235 sondages achetés par le cabinet de Patrick Buisson et revendus à la présidence entre 2007 et 2009, avec une marge d'environ 1,4 million d'euros, soit entre 65% et 70%. Le juge l'a mis en examen pour le détournement de ces fonds publics. Certains des sondages revendus avaient déjà été diffusés dans la presse.
Le juge, qui cherche à déterminer qui a décidé cette convention signée par Emmanuelle Mignon et Patrick Buisson, a demandé à ce dernier s'il l'avait rédigée lui-même. Réponse affirmative. Nicolas Sarkozy lui aurait dit "+pour les modalités, vois avec Claude (Guéant)+", qui lui aurait répondu "+puisque vous voulez une convention, proposez-moi un projet+". De son côté, Emmanuelle Mignon a assuré en garde à vue avoir reçu la convention déjà signée par Patrick Buisson, avec une note manuscrite de Claude Guéant, qu'elle a remise aux enquêteurs, lui demandant de "mettre le contrat à la signature".
Lors de sa garde à vue l'été dernier, Claude Guéant avait assuré ne pas avoir négocié le contrat.
A la suite du rapport de la Cour des comptes, l'Elysée avait procédé à une régularisation pour les sondages en lançant une procédure d'appel d'offres.
Les enquêteurs s'interrogent aussi sur l'utilité pour la présidence de commander certains sondages. Parmi les cas les plus litigieux, des questions sur la candidature de Jean Sarkozy à la tête de l'établissement public de La Défense en 2009, sur la relation du président avec Carla Bruni, ou des études visant des adversaires ou rivaux potentiels de Nicolas Sarkozy, comme Dominique Strauss-Kahn ou Jean-Louis Borloo.
D'après l'enquête, l'Elysée a payé environ 7,5 millions d'euros en sondages et conseils lors du quinquennat 2007-2012.
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