Le tribunal administratif de Lille doit en effet statuer en début d'après-midi sur un référé déposé par 250 migrants et dix associations, selon leur avocate, qui réclament la suspension de l'arrêté préfectoral pris vendredi ordonnant aux occupants de la zone sud du bidonville de quitter les lieux d'ici mardi soir.
"Il s'agit d'une violation des droits fondamentaux des migrants. Les solutions proposées ne sont pas du tout adaptées à leurs besoins. Il faut qu'ils puissent rester ici en attendant que d'autres solutions soient trouvées", argumente Me Julie Bonnier.
La juge du tribunal administratif de Lille est arrivée vers 9 heures sur le camp, visitant notamment une église et la Centre d'accueil provisoire (CAP), où sont hébergés 1.200 migrants dans des conteneurs chauffés. Elle était suivie par de nombreux journalistes et migrants, invités par des affiches traduites en plusieurs langues à se manifester lors de la visite de la magistrate pour "pour conserver la jungle".
La décision de la juge sera suspensive: autant dire que la justice administrative pourrait contrarier les plans du gouvernement, qui entend commencer à faire évacuer progressivement la partie sud de la "jungle" à partir de mardi 20H00.
Là vivent de 800 à 1000 migrants selon la préfecture, contre 3.450 selon les associations, d'après un comptage rendu public lundi matin. Une guerre des chiffres qui traduit de vives tensions entre les deux parties apparues dès l'annonce de ce projet d'évacuation le 12 février. "C'est un terrible retour en arrière!", s'était ainsi emporté Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants, estimant que "les faire bouger en pleine période hivernale" relevait d'un "mépris total pour les réfugiés de guerre".
- Une étape 'humanitaire' -
L'opération suscite aussi les réserves de la Défenseure des enfants Geneviève Avenard. Elle a critiqué lundi les modalités prévues par l'État pour le déménagement des enfants isolés, se prononçant pour "la création urgente d'un dispositif de mise à l'abri des enfants" concernés.
L'Etat souhaite réduire à terme la population de la "jungle" à 2000 personnes, contre 3700 selon elle aujourd'hui.
Celles évacuées de la zone sud devront donc soit se rendre dans le Centre d'accueil provisoire (CAP) ouvert en janvier dans la partie nord du camp, capable d'héberger 1.500 personnes (1200 y sont déjà) dans des conteneurs aménagés, soit rallier l'un des centres d'accueil et d'orientation (CAO) créés ailleurs en France.
Le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, interrogé mardi matin par Europe 1, a dit souhaiter appliquer "avec humanité" la protection des personnes. Elles "sont en situation de danger aujourd'hui et donc il faut les sortir de cette boue. Vous avez vu ces images, c'est indigne d'un Etat comme le nôtre. Il y a des centres qui ont été construits partout en France, il faut leur permettre d'avoir un nouveau départ", a dit le ministre de la Justice.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait lui aussi tenté de temporiser lundi: cette évacuation, qu'il qualifie de "mise à l'abri", se fera "bien entendu en procédant de façon progressive et en privilégiant à chaque instant le dialogue la persuasion et l'information des migrants". Il s'est dit prêt à "prendre le temps qu'il faut" pour mener à bien cette "étape humanitaire".
La préfecture du Pas-de-Calais s'était montrée plus ferme vendredi dans l'arrêté "d'expulsion d'office" d'ici au plus tard mardi 20H00, où elle avait évoqué les "exactions" de migrants et indiqué que "passé ce délai" et "à défaut d'avoir quitté les lieux, il sera procédé à l'évacuation (...) si nécessaire avec le concours de la force publique".
Ce n'est pas la première fois que le tribunal administratif de Lille s'empare du dossier de la "jungle": saisi par des ONG comme Médecins du monde et le Secours catholique - ce dernier est aussi dans le référé de mardi -, il avait ordonné en novembre à l'Etat de réaliser une série d'aménagements sanitaires dans le plus grand bidonville de France. Motif: "urgence caractérisée".
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