Construite en 2007 par l'Inde, l'infranchissable barrière court sur des centaines de kilomètres au milieu des sapins, empêchant les groupes armés séparatistes de s'infiltrer depuis le Pakistan voisin. Mais elle bloque aussi la migration de nombre d'espèces autrefois abondantes dans la région, entraînant ainsi leur déclin, selon des experts en vie animale.
A défaut d'écumer librement la région himalayenne, des ours bruns ou des léopards, coincés côté pakistanais, en sont réduits en période de disette à s'approcher des villages, ce qui leur coûte souvent la vie.
Dans le hameau perché de Arang Kel, à plus de 2.500 mètres d'altitude, les habitants disent ne pas avoir d'autre choix que d'abattre les prédateurs pour préserver leur bétail. "Nos moutons, chèvres et vaches sont vulnérables et parfois (les animaux sauvages) attaquent aussi les humains", explique à l'AFP Roshan Khan, un villageois sexagénaire. "C'est pour cela qu'ils sont abattus".
"Ils sont contraints de s'approcher des zones habitées pour chercher de la nourriture et se font tuer par les gens lorsqu'ils attaquent le bétail", confirme Yousuf Qureshi, ancien directeur du service en charge de la faune dans le Cachemire pakistanais.
Quelque 35 léopards communs et au moins cinq ours ont été tués de cette façon depuis 2007, opine Naeem Dar, qui travaille également à la direction de la faune et des pêcheries du Cachemire pakistanais.
Plusieurs espèces ont complètement disparu du côté pakistanais de la ligne de démarcation, déplorent les responsables. C'est le cas du markhor, une espèce de chèvre sauvage dotée de longues et majestueuses cornes en forme de ruban.
"La barrière fait obstacle et leur migration (depuis le Cachemire indien) a pris fin", déplore M. Qureshi. "C'est une tragédie".
Même chose pour le hangul, ou cerf du Cachemire, autrefois très présent et aujourd'hui "totalement disparu" du côté pakistanais, souligne-t-il.
- Mines antipersonnel -
La barrière est non seulement électrifiée mais peut atteindre près de quatre mètres de haut en certains endroits. La zone est également parsemée de mines antipersonnel, de capteurs thermiques et de mouvements, de systèmes d'éclairage et d'alarme.
L'Inde et le Pakistan, nés de la partition de l'Inde britannique en 1947 et tous deux en possession de l'arme nucléaire, n'ont jamais réussi à s'entendre sur la question du Cachemire, que chacun revendique dans son intégralité.
Ils se sont livré deux guerres en son nom, et malgré l'actuelle ligne de démarcation tracée lors d'un cessez-le-feu en 2003, aucune solution au conflit n'est en vue.
L'armée indienne se félicite de l'efficacité de la barrière contre les infiltrations de séparatistes depuis le Pakistan. Les entrées illégales ont été réduites "à quasiment rien", estime le lieutenant-général indien S K Dua, commandant du 15e corps d'armée, basé à Srinagar.
Mais "la barrière sur la ligne de démarcation a perturbé l'habitat des animaux et limité leur territoire", déplore Muhammad Arshad, cadre d'une ONG locale, Himalaya Welfare Organization.
- Démanteler la barrière -
La barrière n'est pas la seule menace pesant sur la vie sauvage.
Les tirs échangés occasionnellement entre les soldats des deux camps effraient les animaux. "Une fois qu'ils ont abandonné leur habitat, ils ne reviennent plus", souligne M. Qureshi.
Cet habitat souffre aussi de la déforestation. Les hivers sont rudes dans la vallée de Neelum et les habitants n'ont d'autre choix que de se chauffer au bois.
A l'époque de la création de l'Inde et du Pakistan en 1947, la forêt couvrait 24% du sol du Cachemire pakistanais. Cette proportion est tombée aujourd'hui à 11%.
Pour les villageois, l'angoisse ne se limite pas aux attaques de prédateurs sur leur cheptel: ils disent craindre aussi la prison ou des amendes pour braconnage s'ils abattent les animaux sauvages.
"Il faut trouver une solution", plaide le villageois Roshan Khan.
La solution "pour protéger ces espèces", selon M. Quereshi ? "Il faut que l'Inde et le Pakistan fassent la paix dans la région et démantèlent la barrière".
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