Conçue par le linguiste Alain Bentolila et présentée lundi à la ministre Najat Vallaud-Belkacem dans une école d'un quartier populaire de la cité portuaire, la méthode consiste à faire lire des enfants d'âges variés sur des tablettes numériques, avec lesquelles ils peuvent alterner les phases d'écoute et de lecture d'un texte.
L'objectif est que les phases audio soient progressivement réduites et les phases de lecture de plus en plus allongées, afin que les enfants puissent "tenir la distance" et lire de plus en plus longtemps, selon M. Bentolila, qui rapproche sa méthode d'un entraînement à l'endurance pour un coureur à pied.
"Les recherches expérimentales les plus récentes montrent clairement que ce qui handicape véritablement les lecteurs peu aguerris c?est bien l?incapacité et la crainte d?affronter une distance de lecture dépassant quatre à cinq pages", a-t-il expliqué.
On rencontre ces "peu lecteurs", comme les appelle le linguiste de l'Université Paris Descartes, d'abord dans le milieu scolaire, mais on les retrouve ensuite en nombre dans le monde adulte. "Ils n?ouvriront jamais un livre et seront ainsi exclus de notre patrimoine culturel", déplore le linguiste.
"Quand on voit le nombre d'élèves qui rentrent au collège et qui en sortent sans maîtriser les fondamentaux de la lecture et de l'écriture, soit globalement un élève sur cinq, et le nombre d'adultes qui ne maîtrisent pas suffisamment les mots de la langue française pour pouvoir s'exprimer, on se dit qu'il faut consacrer toute notre énergie à cette priorité-là", a déclaré à la presse la ministre de l'Education.
Selon M. Bentolila, il y a environ 8% de la population française qui est frappée d?illettrisme et 35% de "peu lecteurs".
- 2.500 établissements -
L'usage -individuel- de la tablette et de son application est obligatoirement prolongé par une restitution collective supervisée par un enseignant pour s'assurer que le texte a bien été compris.
L'expérience menée depuis plus de deux ans au Havre, une ville qui a une politique très active en matière de lecture, se déroule pour le moment en activité péri-scolaire. Mais dès la rentrée de septembre, elle sera introduite dans des écoles primaires au Havre mais aussi dans d'autres villes de France, dans le cadre du dispositif "Plus de maîtres que de classes" qui a été mis en place par le ministère depuis 2012.
"Ce dispositif, dont on parle assez peu, est un vivier de 2.500 établissements où un enseignant en surnuméraire, qui n'a pas de classe attitrée, peut passer de classe en classe pour aider les enfants en difficulté et aider ses collègues", a précisé la ministre.
"Cette +Machine à lire+ est un excellent outil pour ces enseignants, en matière d'aide à la lecture", a-t-elle estimé.
L'application comprend déjà 35 titres, des livres jeunesse, et des classiques comme l'Odyssée d'Homère, Aladin, Les Trois Mousquetaires et bientôt Notre-Dame de Paris.
"Les textes ont été raccourcis et on a conservé uniquement les passages où il y a de l'action, en enlevant les parties descriptives, mais on ne réécrit pas Victor Hugo", assure M. Bentolila.
"Nous prenons les enfants comme ils sont aujourd'hui, c'est-à-dire familiers des séries télévisées où l'action est prépondérante", explique-t-il.
M. Bentolila s'est déclaré satisfait des premiers résultats de sa méthode auprès des enfants havrais testés. "Après un certain temps, 25 à 30% d'entre eux sont allés chercher le texte original", affirme-t-il.
La "Machine à Lire" concernera en priorité des élèves allant du CM1 à la 5e.
Mais, selon le linguiste, elle convient à des enfants plus jeunes et même, comme on apprend à tout âge, à des personnes âgées, des expériences ayant été menées en maison de retraite.
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