La presse estime vendredi que François Hollande joue son "va-tout" en donnant un "coup de barre à droite" et en tentant un "big bang social".
Le texte prévoit entre autres de consacrer la primauté de l'accord d'entreprise sur la branche en matière d'assouplissement du temps de travail, un plafonnement des indemnités prud'homales en cas de contestation d'un licenciement, la création d'un compte personnel d'activité (CPA) et des mesures sur le licenciement destinées à "lever la peur d'embaucher", selon les mots de la ministre du Travail aux Échos.
Myriam El Khomri est vite montée au créneau pour défendre son projet un jour après l'avoir transmis au Conseil d?État, anticipant peut-être les réactions sur l'une des dernières grandes réformes du quinquennat de François Hollande.
Qualifiant sa réforme de "changement de philosophie important", elle a même glissé qu'elle n'excluait pas l'utilisation du 49-3, affirmant qu'elle et Manuel Valls prendraient "leurs responsabilités".
L'an dernier, le recours à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur la loi Macron avait déjà valu à l'exécutif, à la majorité fragile, une bordée de critiques sur un "passage en force".
Si le ministre de l?Économie Emmanuel Macron a salué une "réforme importante", les critiques sur le nouveau texte ne se sont pas fait attendre à gauche.
Jean-Christophe Cambadélis a déclaré qu'il aurait "du mal à voter" cette réforme "dans l'état" car elle "ne montre pas son équilibre entre une flexibilité et une sécurité". Pour le premier secrétaire du PS, c'est notamment la question du licenciement économique qui coince: "tout ce qui est dans ce texte" sur le sujet "est discutable".
Un volet également jugé "dangereux" par la CFDT car il risquerait en l'état "d'organiser une concurrence entre les filiales européennes d'un même groupe" et de "fragiliser les salariés français".
- Le 49-3, 'on n'en est pas là' -
Le texte, qui doit selon Manuel Valls arriver début avril à l'Assemblée en vue d'une adoption "avant la fin juin", a été qualifié de "dynamitage du code du travail" par le secrétaire national du PCF Pierre Laurent et ne passe pas non plus pour les frondeurs du PS.
Le député Christian Paul a parlé de "scandale ambulant" concernant le plafonnement des indemnités aux prud'hommes à 15 mois de salaire et dénoncé "des éléments extrêmement contestables" sur les 35 heures et le droit du licenciement. Laurent Baumel a évoqué une "réforme globalement inutile".
L'ancien ministre Benoît Hamon a lui dénoncé un texte qui "visiblement ne passe pas" auprès des organisations syndicales "toutes obédiences confondues". Il a annoncé "des débats extrêmement intenses" sur une réforme, qui "ne sera pas une affaire de quelques frondeurs face au gouvernement".
"La ministre anticipe le fait de ne pas avoir la majorité", a-t-il assuré qualifiant l'hypothèse du 49-3 brandie par Myriam El Khomri de "très mauvaise méthode".
"Personne ne peut découvrir que, dans la palette parlementaire, il y a le 49-3. Mais on n'en est pas là. On en est à l'étape où il faut convaincre", explique-t-on à Matignon, en soulignant "les choses très fortes pour les droits des salariés", notamment la "révolution" du CPA. "Notre volonté c'est de réformer", insiste-t-on.
Plus consensuel, un "droit à la déconnexion" fait également son entrée dans le code du travail.
Pour le patronat et la droite, la réforme "va dans le bon sens", une expression dans toutes les bouches jeudi. Les représentants du patronat Pierre Gattaz (Medef) et François Asselin (CGPME) ont salué le projet de loi, le premier appelant le gouvernement à "aller jusqu'au bout".
M. Asselin est resté plus prudent dans l'attente du texte définitif et a défendu le nouveau cadre pour le licenciement économique, qui permettra "d'éviter les appréciations différentes d'une juridiction à une autre".
Chez les Républicains, le secrétaire général Eric Woerth s'est satisfait que son parti ait été "entendu".
A l'inverse, Marine Le Pen a qualifié ce texte de "régression pour tous". "Ce projet est clairement d'inspiration bruxelloise, s'inscrivant dans la feuille de route d'austérité édictée par une Union Européenne aux abois, qui cherche à imposer comme seule voie possible la précarité générale", a dénoncé jeudi soir la présidente du Front national.
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