L'ancien chef de l'Etat, qui ambitionne de disputer la primaire de son camp à l'automne pour revenir au pouvoir en 2017, est arrivé en voiture vers 08H40 au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, a constaté un photographe de l'AFP. Il peut aussi être placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Nicolas Sarkozy est déjà mis en examen pour corruption et trafic d'influence dans le dossier des écoutes, dans lequel il est soupçonné d'avoir tenté d'obtenir, début 2014, auprès d'un haut magistrat, des informations couvertes par le secret dans une procédure judiciaire. Dans ce dossier, les juges d'instruction ont notifié la fin de leurs investigations et le président du parti Les Républicains risque un renvoi au tribunal correctionnel.
L'enquête Bygmalion, du nom de la société qui organisait ses meetings, porte à l'origine sur un vaste système de fausses factures pour cacher une explosion du plafond légal des dépenses pour la présidentielle de 2012, fixé à 22,5 millions d'euros. Ces fausses factures auraient eu pour objet d'imputer à l'UMP, devenue Les Républicains, quelque 18,5 millions d'euros de dépenses qui auraient dû rentrer dans le compte de campagne. Au final, le Conseil constitutionnel avait quand même rejeté ce compte, pour un dépassement de quelques centaines de milliers d'euros.
Plusieurs cadres de Bygmalion, son comptable, ainsi que Jérôme Lavrilleux à l'UMP, ont reconnu l'existence de la fraude aux fausses factures, mais aucun protagoniste n'a mis en cause Nicolas Sarkozy pour l'avoir décidée ou en avoir eu connaissance.
- "Une farce" -
"A mon avis, il est impossible qu'il en ait été informé", avait affirmé en garde à vue Jérôme Lavrilleux, ex-bras droit de Jean-François Copé.
L'enquête montre cependant que Nicolas Sarkozy a demandé et obtenu plus de meetings, vers la mi-mars 2012.
Les policiers ont retrouvé un courriel du 19 mars dans lequel Eric Cesari, alors directeur général de l'UMP, prend acte auprès du directeur de campagne Guillaume Lambert du "souhait du président de tenir une réunion publique chaque jour à partir de la semaine prochaine".
Or, Guillaume Lambert a déclaré aux policiers qu'il avait informé le président-candidat des "contraintes budgétaires" posées par une note de l'expert-comptable, qui pointait un risque de dépassement du plafond et interdisait toute dépense supplémentaire.
Entendu par les enquêteurs, Nicolas Sarkozy a assuré ne pas s'en souvenir et a relativisé le coût des événements ajoutés. Quant à Guillaume Lambert, il a expliqué, sans convaincre les juges, que des négociations sur les tarifs des précédents meetings avaient permis de dégager des marges de manoeuvre.
"L'argument d'une campagne qui dérape est une farce", a affirmé Nicolas Sarkozy aux enquêteurs le 4 septembre. Il a renvoyé la responsabilité des fausses factures sur Bygmalion et l'UMP dirigée alors par Jean-François Copé, qui a été placé la semaine dernière sous le statut de témoin assisté.
Mais depuis, l'enquête s'est élargie à des dépenses qui n'ont rien à voir avec la société de communication fondée par des proches de M. Copé. Les juges s'interrogent notamment sur une ligne "présidentielle" dans le budget 2012 du parti, indiquant 13,5 millions d'euros de dépenses engagées, alors que trois millions d'euros seulement ont été communiqués dans le compte de campagne. Trains, salles de meetings, tracts, sondages, les juges ont remonté la trace de nouvelles factures oubliées, qui apparaissent dans les comptes détaillés de l'UMP.
Malgré ses dénégations, les juges pourraient considérer que Nicolas Sarkozy doit être mis en examen. Selon une source proche de l'enquête, le délit de financement illégal de campagne peut être constitué par le simple fait de dépasser sciemment le plafond des dépenses de la part du candidat, signataire de son compte de campagne. L'enquête est aussi ouverte pour faux, abus de confiance et escroquerie. Les juges ont mis en examen treize anciens responsables de l'UMP, de la campagne ou de Bygmalion.
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