Ces bombardements contre des objectifs civils, l'escalade verbale entre la Turquie et la Russie, toutes deux impliquées militairement sur le terrain ainsi que l'avancée des Kurdes dans le nord où le régime syrien est aussi à l'offensive augurent mal d'une trêve décidée par les grandes puissances et qui doit théoriquement entrer en vigueur à la fin de cette semaine.
Les attaques contre cinq établissements médicaux et deux écoles dans les provinces d'Idleb et d'Alep, au nord de la Syrie, "jettent une ombre sur les engagements pris par le Groupe de soutien international à la Syrie" sur une cessation des hostilités, a d'ailleurs estimé le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon.
La Syrie est ravagée depuis près de cinq ans par une guerre qui a fait plus de 260.000 morts et poussé des millions de personnes à l'exil.
Dans ce contexte de violences exacerbées, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui tente à grand peine de réunir les parties pour des négociations arrivera lundi soir à Damas pour une visite surprise, a indiqué à l'AFP une source gouvernementale syrienne.
Lundi, un hôpital soutenu par Médecins sans frontières (MSF) dans le nord-ouest du pays, à Maaret al-Noomane, à 280 km au nord de Damas, a été pris pour cible par des frappes aériennes qui ont tué au moins sept personnes tandis que huit membres du personnel étaient portés disparus, selon l'ONG.
"Il s?agit d?une attaque délibérée" qui "prive d?accès aux soins les quelque 40.000 personnes vivant dans cette zone de conflit ouvert", a dénoncé à l'AFP Massimiliano Rebaudengo, le chef de mission de MSF pour la Syrie.
Les frappes étaient vraisemblablement russes, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources dans le pays en guerre.
- 'Brutalité' -
L'Unicef a indiqué que quatre hôpitaux dont deux soutenus par l'organisation avaient été frappés. Deux écoles dans la ville d'Azaz (nord) ont aussi été bombardées et six enfants y sont morts.
Les Etats-Unis ont dénoncé ces bombardements fustigeant une nouvelle fois la "brutalité" du régime du président syrien Bachar al-Assad et son allié russe qui mène une campagne de frappes aériennes en Syrie depuis le 30 septembre.
Washington a par ailleurs exhorté lundi la Russie et la Turquie à éviter toute escalade au moment où le ton devient de plus en plus acerbe entre Moscou et Ankara, témoignant de l'internationalisation du conflit syrien.
Moscou a dénoncé les "actions agressives" de la Turquie en Syrie qui s'apparentent, selon elle, à un "soutien non voilé au terrorisme international".
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a répliqué en accusant la Russie de se comporter "comme une organisation terroriste" en Syrie où elle mène, au même titre que les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) des "attaques barbares contre la population civile". Si elle continue, "nous lui opposerons une riposte extrêmement résolue", a-t-il averti.
L'armée turque a pilonné, pour le troisième jour consécutif, des positions des forces kurdes de Syrie à proximité de la frontière syro-turque dans la province septentrionale d'Alep.
Malgré ces tirs, les Kurdes continuent à progresser depuis l'ouest de la province après avoir conquis plusieurs localités aux mains de groupes insurgés.
Ils ont pris le contrôle de 70% de Tall Rifaat, un des trois derniers grands bastions rebelles dans la province. Les combats de rue faisaient rage lundi dans le nord et le nord-est de cette petite ville tenue par des rebelles islamistes soutenus par la Turquie et l'Arabie saoudite, selon l'OSDH.
- 'Ligne rouge' pour la Turquie -
Dans cette bataille, les Kurdes ne se sont alignés ni sur le régime ni avec les rebelles: leur objectif est de relier les zones qu'ils contrôlent dans le nord de la Syrie afin de créer une région autonome unifiée, à l'image de leurs frères irakiens. Selon l'OSDH, ils contrôlent les trois quarts des 800 km de frontière. Pour le géographe Fabrice Balanche, les Kurdes détiennent 26.000 km2, soit 14% de la Syrie contre 9% en 2012.
Ils veulent surtout "avancer vers le territoire tenu par les ultraradicaux du groupe Etat islamique (EI) dans l'est de la province d'Alep", qui est morcelée entre les différents belligérants, explique Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH.
Malgré les appels lancés par Washington et Paris à y mettre fin, M. Davutoglu a prévenu que les bombardements turcs allaient se poursuivre, notamment pour empêcher les Kurdes de prendre Azaz, une ville près de la frontière.
Pour les Turcs, le Parti de l'union démocratique (PYD) et les YPG, sa branche armée, sont avant tout des organisations "terroristes" liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion meurtrière en Turquie depuis 1984.
L'implication turque embarrasse les Occidentaux, qui sont à la fois alliés de la Turquie au sein de l'Otan, et des Kurdes, qu'ils considèrent comme la force la plus capable de lutter contre l'EI qui contrôle une partie de la Syrie et de l'Irak.
Elle rend aussi encore plus complexe la situation militaire dans la province d'Alep quinze jours après le début, le 1er février, d'une vaste offensive des forces du régime, soutenues par d'intenses bombardements russes.
L'armée syrienne encercle désormais presque totalement les quartiers rebelles d'Alep, l'ex-capitale économique du pays, et progresse au nord de la ville.
L'offensive du régime a provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes. Une bonne partie d'entre elles sont bloquées à la frontière turque.
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