Dans le nord-ouest du pays en guerre, un hôpital soutenu par Médecins sans frontières (MSF) a été pris pour cible par des frappes aériennes, vraisemblablement russes, qui ont tué au moins sept personnes tandis que huit membres du personnel étaient portés disparus, selon l'ONG.
Le ton est devenu de plus en plus acerbe entre Moscou et Ankara, témoignant de l'internationalisation croissance du conflit syrien. La Russie, principale alliée du régime de Bachar al-Assad, a dénoncé les "actions agressives" de la Turquie qui s'apparentent, selon elle, à un "soutien non voilé au terrorisme international".
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a répliqué en accusant la Russie de se comporter "comme une organisation terroriste" en Syrie où elle mène, au même titre que les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) des "attaques barbares contre la population civile". Si elle continue, "nous lui opposerons une riposte extrêmement résolue", a-t-il averti.
Cette guerre des mots est suivie avec une inquiétude croissante par les pays occidentaux, qui semblent impuissants à peser sur le cours des évènements.
Elle intervient alors que l'armée turque a pilonné, pour le troisième jour consécutif, des positions des forces kurdes à proximité de la frontière syro-turque dans la province septentrionale d'Alep.
Une batterie de trois canons a ainsi à nouveau ouvert le feu pendant 20 minutes en début d'après-midi depuis Akcabaglar, à environ 5 kilomètres du poste-frontière d'Oncupinar, a constaté un photographe de l'AFP.
Malgré ces tirs, les Kurdes continuent à progresser depuis l'ouest de la province après avoir pris le contrôle de plusieurs localités aux mains de groupes insurgés, ainsi que de l'aéroport de Minnigh.
Ils menacent désormais de contrôler Tall Rifaat, un des trois derniers grands bastions des rebelles dans la province. Les combats y faisaient rage lundi dans cette petite ville tenue par des islamistes soutenus par la Turquie et l'Arabie saoudite, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
- "Ligne rouge" pour la Turquie -
Dans cette bataille, les Kurdes ne se sont alignés ni sur lle régime ni avec les rebelles: leur objectif est de relier les zones qu'ils contrôlent dans le nord de la Syrie afin de créer une région autonome unifiée, à l'image de leurs frères irakiens. Selon l'OSDH, ils contrôlent les trois quarts des 800 km de frontière.
Ils veulent surtout "avancer vers le territoire tenu par les ultraradicaux du groupe Etat islamique (EI) dans l'est de la province d'Alep", qui est morcelée entre les différents belligérants, explique Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH.
L'artillerie turque cible notamment la route à l'ouest de Tall Rifaat pour tenter de couper les renforts des FDS, la coalition formée par les milices kurdes syriennes des Unités de protection du peuple (YPG) et des combattants arabes.
Malgré les appels lancés par Washington et Paris à y mettre fin, M. Davutoglu a prévenu que ces bombardements allaient se poursuivre, notamment pour empêcher les Kurdes de prendre Azaz, une ville située à une dizaine de kilomètres de la frontière.
"Nous ne laisserons pas Azaz tomber. La (milice des) YPG ne sera pas autorisée à avancer vers l'ouest de l'Euphrate et à l'est (du canton) d'Afrine", a-t-il affirmé lundi.
Pour les Turcs, le Parti de l'union démocratique (PYD) et les PYD, sa branche armée, sont avant tout des organisations "terroristes" liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion meurtrière en Turquie depuis 1984.
- "Attaque délibérée" -
L'implication turque embarrasse les Occidentaux, qui sont à la fois alliés de la Turquie au sein de l'Otan, et des Kurdes, qu'ils considèrent comme la force la plus capable de lutter contre l'EI qui contrôlent une partie de la Syrie et de l'Irak.
Elle rend aussi encore plus complexe la situation militaire dans la province d'Alep quinze jours après le début, le 1er février, d'une vaste offensive des forces du régime, soutenues par d'intenses bombardements russes.
L'armée syrienne encercle désormais presque totalement les quartiers rebelles d'Alep, l'ex-capitale économique du pays, et progresse au nord de la ville.
La poursuite des combats laissent peu d'espoirs qu'une "cessation des hostilités" puisse intervenir en fin de semaine, comme le prévoit l'accord conclu entre les grandes puissances vendredi à Munich, en Allemagne.
Elle aggrave aussi la situation humanitaire dans le nord, où les derniers combats ont provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes. Une bonne partie d'entre elles sont bloquées à la frontière turque, espérant jusqu'à présent en vain qu'Ankara les laisse entrer.
Très présent en Syrie, MSF a confirmé qu'un hôpital qu'il soutenait avait "été détruit par des bombardements" dans la région de Maaret al-Noomane, dans le nord-ouest du pays en guerre.
"Il s?agit d?une attaque délibérée" qui "prive d?accès aux soins les quelque 40.000 personnes vivant dans cette zone de conflit ouvert", a dénoncé à l'AFP Massimiliano Rebaudengo, le chef de mission de MSF pour la Syrie.
Cette ONG soutient au total 153 hôpitaux en Syrie, dont cinq ont été touchés par des frappes depuis le début de l'année.
D'autres frappes, vraisemblablement russes aussi, ont fait dix morts, dont trois enfants, à Azaz et une localité mitoyenne, selon l'OSDH.
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