Après l'exercice hasardeux que constitue le fait de revêtir une combinaison de survie, assimilable à un lourd déguisement de "Casimir", pour qui n'en a pas l'habitude, le plongeon dans l'eau fraîche de février est parfois pour les stagiaires un moment redouté.
Mais le plus difficile dans cette matinée est sans conteste de parvenir, à tour de rôle, sous la houlette du formateur, à se hisser à bord du canot ou d'aider à y monter les stagiaires encore dans l'eau. Demain, il ne s'agira plus de collègues, mais de réfugiés épuisés qui auront souvent derrière eux des milliers de kilomètres.
Deux femmes médecins, deux infirmières, un logisticien et un interprète: ces six stagiaires inhabituels sont en formation à la survie en mer au Centre Européen de Formation Continue Maritime (CEFCM), un groupement d'intérêt public fondé en 1998 associant l?État, les collectivités locales et les branches professionnelles du monde maritime (armateurs, pêche, conchyliculture, nautisme).
"Le milieu maritime est pour nous un milieu complètement nouveau", explique Anne Kamel, coordinatrice médicale de MdM. "Nous avions besoin de cette formation, indispensable pour qu'on puisse faire notre travail dans de bonnes conditions. Nous apprenons ici d'autres gestes qui sauvent."
Parmi les modules au programme pendant cette semaine de formation à Concarneau, les techniques individuelles de survie, la lutte contre l'incendie ou les problématiques de secours.
Des techniques que les stagiaires vont très rapidement mettre en pratique.
Tous vont embarquer dans une dizaine de jours à Marseille sur l'Aquarius, un ancien garde-côtes allemand de 77m.
Direction: les parages de l'île italienne de Lampedusa, entre Malte et la Tunisie, sur la route entre l'Europe et les côtes libyennes d'où pourrait affluer une nouvelle vague de migrants fuyant ce dernier pays qui, selon les autorités américaines, est en train de devenir un nouveau pôle d'attraction pour les jihadistes.
L'Aquarius est affrété pour trois mois avec ses onze membres d'équipage par SOS Méditerranée.
- 'Les bateaux ne s'arrêtaient pas' -
Les 3 ou 4 bénévoles de cette ONG à bord, ainsi que l'équipe de Médecins du Monde, se consacreront donc aux réfugiés rencontrés sur leur route. Le personnel médical prodiguera les premiers soins et coordonnera les évacuations sanitaires des urgences les plus graves quand les bénévoles de SOS Méditerranée iront en canots pneumatiques recueillir les réfugiés identifiés.
"A l'époque de Mare Nostrum (qui s'est achevée à l'automne 2014, ndlr), les Italiens ont sauvé en mer 150.000 personnes en un an avec cinq navires. Depuis, il n'y a plus personne pour venir en aide aux réfugiés qui sont toujours aussi nombreux. C'est nous qui allons assurer ça", explique Philippe Martinez, commandant de navire de profession et porte-parole de SOS Méditerranée.
"C'est une opération d'envergure et, si on obtient des financements, on espère pouvoir rapidement affréter des navires supplémentaires", explique celui qui, à l'été 2014, alors qu'il commandait pour Tidewater un bateau ravitailleur pour des plateformes pétrolières, a recueilli avec son équipage près de 2.000 réfugiés en Méditerranée. "Et ça, sur un tour petit carré de mer", souligne-t-il.
"Les bateaux passaient à proximité" des naufragés et "ne s'arrêtaient même pas", s'indigne-t-il.
"Il y a urgence à montrer que ce flot de réfugiés, tous ces gens qui fuient la guerre et les violences, ça ne s'est pas arrêté le jour où Mare Nostrum s'est arrêté ou le jour où j'ai quitté la zone (...) Et les migrations, ça n'est pas limité à la Méditerranée, c'est un problème mondial", rappelle encore Philippe Martinez.
Les levées de fonds lancées par SOS Méditerranée, notamment sur des plateformes participatives, permettent à l'ONG d'envisager d'autres affrètements dans les mois à venir.
Ce qui réjouit Alain Pomes, le directeur du CEFCM qui forme gracieusement l'équipe de MdM: "Nous allons certainement accueillir prochainement d'autres stagiaires."
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