Cette crispation autour d'un site industriel qui se voulait un symbole de la "réconciliation" illustre l'escalade des tensions intercoréennes provoquée par le quatrième essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier, et par le tir de fusée effectué dimanche par Pyongyang.
Dans un communiqué publié par l'agence officielle nord-coréenne KCNA, la Commission pour la réunification pacifique de la Corée, qui s'occupe des questions intercoréennes, a annoncé qu'elle fermait Kaesong, déclarée zone militaire.
Toutes les communications militaires avec la Corée du Sud, y compris via le village frontalier de Panmunjom, principal canal de communication entre les deux Etats rivaux, sont interrompues, ajoute le communiqué.
"Les forces ennemies sud-coréennes vont faire l'expérience du prix élevé et douloureux qu'elles doivent payer pour avoir fermé le complexe industriel de Kaesong", a affirmé le texte.
La Corée du Nord a donné 30 minutes aux Sud-Coréens pour partir, avant 17H00 locales (08H30 GMT), munis uniquement de leurs effets personnels.
"Nous saisissons tous les avoirs des entreprises sud-coréennes et sociétés alliées, y compris les machines, les matières premières et les biens", ajoute le texte.
- Sacs de couchage -
Pour protester contre la poursuite par Pyongyang, en violation de nombreuses résolutions de l'ONU, de ses programmes nucléaire et balistique, Séoul avait annoncé mercredi qu'il suspendait les opérations à Kaesong, un complexe financé par le Sud situé, en territoire nord-coréen, à 10 km de la frontière.
La Corée du Sud a qualifié d'"inévitable" sa décision, accusant Pyongyang d'avoir utilisé des centaines de millions de dollars de devises recueillies à Kaesong pour financer ses programmes d'armements.
Au total, 124 entreprises manufacturières sud-coréennes employaient à Kaesong 53.000 Nord-Coréens. Les patrons de ces sociétés ont envoyé jeudi matin des centaines de camions pour tenter de récupérer ce qui pouvait l'être.
"Nous ferons tous les efforts pour nous assurer que nos ressortissants puissent rentrer en toute sécurité", a assuré dans un communiqué le ministère de l'Unification.
Des Sud-Coréens qui se sont rendus à Kaesong dans la journée ont fait état d'une présence de militaires nord-coréens plus importante qu'à l'accoutumée, certains étant équipés de sacs de couchage.
Kaesong avait ouvert en 2004 dans le sillage de "la diplomatie du rayon de soleil", poursuivie par Séoul de 1998 à 2008 pour encourager les contacts entre les deux frères ennemis. Le complexe a longtemps été préservé des péripéties des relations intercoréennes.
- Sanctions américaines -
Au printemps 2013 toutefois, Pyongyang l'avait fermé pendant cinq mois, au plus fort de la dernière vague de fortes tensions sur la péninsule, après le troisième essai nucléaire du Nord.
En septembre 2014, Pyongyang avait édicté un nouveau projet de règlement aux termes duquel le Nord serait autorisé à arrêter et à retenir les hommes d'affaires sud-coréens en cas de différend commercial. Séoul l'avait rejeté.
Le communiqué du Nord ne dit rien de ce qui arriverait aux Sud-Coréens qui ne parviendraient pas à rentrer dans les délais.
La fermeture du complexe a été jugée "injuste" par l'association représentant les 124 entreprises sud-coréennes implantées à Kaesong et qui se sentent sacrifiées sur l'autel de la politique.
De leur côté, Washington et Tokyo ont riposté aux programmes balistique et nucléaire nord-coréens en visant les finances du régime le plus isolé au monde, sans attendre l'issue des négociations au Conseil de sécurité sur de nouvelles sanctions.
Les sénateurs américains ont à l'unanimité voté mercredi soir un texte qui rend obligatoires des sanctions existantes contre toute personne ou entreprise aidant le régime de Pyongyang, notamment dans l'acquisition de matériaux pour fabriquer des armes de destruction massive.
"Ce régime dictatorial doit apprendre que ses actions auront des conséquences", a déclaré Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, qui doit désormais approuver le texte.
Le Japon a également annoncé de nouvelles sanctions, notamment une interdiction d'accès aux ports japonais des navires nord-coréens, "y compris ceux à caractère humanitaire".
Les négociations entre Washington et Pékin sur une nouvelle résolution de l'ONU piétinent en raison des réticences de la Chine, principal allié de Pyongyang, qui redoute que l'effondrement du régime nord-coréen ne permette l'avènement à sa frontière d'une Corée réunifiée alignée sur les Etats-Unis.
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