Gardien de la rigueur budgétaire devenu le ministre menteur qui a ouvert une première brèche dans un quinquennat voulu "exemplaire", Jérôme Cahuzac, 63 ans, est jugé depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale, blanchiment et pour avoir "minoré" sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en mai 2012.
Poursuivie comme lui pour fraude et blanchiment, son ex-épouse Patricia Ménard. Leurs anciens conseillers, le banquier suisse François Reyl et l'ancien avocat Philippe Houman doivent eux répondre de blanchiment. Tous encourent jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende.
Le tribunal dira mercredi matin s'il peut être jugé comme prévu, jusqu'au 18 février, ou si le procès est reporté pour prendre en compte des questions de la défense sur la conformité des poursuites à la Constitution.
Ces "questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC), contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales, en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune (ISF), ont fait l'objet d'une âpre bataille entre experts du droit lundi, au premier jour du procès.
"Double poursuite, double sanction!", a dénoncé la défense. Les avocats des Cahuzac ont rappelé que leurs clients avaient "accepté un redressement fiscal majoré de 80%", d'un montant de plus de 2,3 millions d'euros, dont 500.000 euros de pénalités.
- 'Acharnement'? -
Dénonçant un "acharnement", Me Jean Veil, un des conseils de Jérôme Cahuzac, a jugé le "cumul" des poursuites "irrégulier et contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme". Sébastien Schapira, avocat de Patricia Cahuzac, a appelé à prendre en compte "la sévérité de la sanction" déjà acquittée.
Cinglant, le procureur Jean-Marc Toublanc a rappelé au fraudeur la rigueur qu'il prônait à Bercy, s'étonnant qu'il ait fait voté une loi "pour renforcer la sanction de la fraude fiscale" et qui ne devrait aujourd'hui "pas s'appliquer, à lui seul?".
Si le tribunal accepte les QPC, le procès sera reporté de plusieurs mois, comme c'est arrivé récemment au marchand d'art Guy Wildenstein, également jugé pour fraude fiscale. Une affaire citée à la barre, de même qu'un précédent retentissant, celui d'EADS, dans lequel le Conseil constitutionnel avait mis fin à la procédure pénale car les faits avaient déjà été examinés par une juridiction administrative, invoquant le principe interdisant de juger et sanctionner deux fois le même délit.
Mais dans tous les cas, le procès aura lieu.
Même dans l'hypothèse d'un renvoi et d'une décision du Conseil constitutionnel invalidant les poursuites concernant la fraude fiscale, demeureront les mises en cause pour blanchiment pour les époux Cahuzac, et pour l'ancien ministre le fait d'avoir sous-évalué sa déclaration de patrimoine.
Coup de tonnerre politique, l'affaire Cahuzac débute en décembre 2012, quand le site Mediapart révèle que le ministre a possédé un compte caché à l'étranger. Alors drapé dans son costume de redresseur de comptes, il commence par tout nier. Mais les preuves s'accumulent, il démissionne en mars 2013 puis passe aux aveux en avril.
L'instruction démontera les mécanismes d'une fraude fiscale "obstinée", "sophistiquée" et "familiale".
Il fallait placer l'argent qui coulait à flot, des revenus de la clinique spécialisée dans les implants capillaires tenue par les époux Cahuzac, mais aussi des prestations du chirurgien, ex-conseiller ministériel, auprès de laboratoires pharmaceutiques.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.