En cas de rejet par les députés, ce serait la fin du parcours parlementaire de ce projet de loi de "protection de la nation" que l'exécutif espère voir adopté lors d'un nouveau Congrès à Versailles pour inscrire dans la loi fondamentale le régime d'exception de l'état d'urgence et la mesure de déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes et délits terroristes.
Le vote des députés sur l'article 1 sur l'état d'urgence s'était fait avec une marge confortable lundi avec 103 voix contre 26, mais celui sur la déchéance de nationalité, qui cristallise les débats, a fait l'objet d'un vote nettement plus serré mardi soir avec seulement 14 voix d'avance (162 voix contre 148).
Et la plupart des groupes n'ont pas voulu ou pu annoncer clairement leur position avant le vote solennel prévu après les questions au gouvernement. Les deux partis qui ont les clés de cette réforme, qui exigera in fine les voix de la droite, les socialistes comme Les Républicains, restent divisés.
L'UDI penche plutôt pour un vote favorable, les radicaux de gauche ont dit attendre l'issue des débats, les écologistes sont partagés mais plutôt contre, seul le Front de gauche faisant bloc dans un rejet "frontal".
Le résultat pourrait donc être serré, même si le gouvernement, qui devrait être remanié dans les prochains jours, affiche sa "confiance", le Premier ministre Manuel Valls ayant notamment tablé mardi soir après le vote de l'article 2 sur un vote d'ensemble "bien plus large".
"La révision constitutionnelle poursuivra son chemin", a encore affirmé M. Valls, estimant qu'il fallait être "à la hauteur des exigences des Français".
- 'Valet de pique et mistigri' -
Le Premier ministre a tout de même fait monter la pression mardi, en mettant en avant une menace terroriste "sans doute encore plus importante qu'avant le 13 novembre", et en prévenant les députés socialistes que "voter contre c'est mettre en difficulté le gouvernement et mettre en minorité le président".
En coulisses, certains députés PS pas convaincus par les dernières écritures du texte, qui ne font plus référence à la binationalité notamment, ont aussi évoqué des pressions, notamment pour un vote favorable. "Il y a des dilemmes pour chacun" entre loyauté et fidélité à ses convictions, disait mardi l'un d'eux.
L'ancienne ministre Cécile Duflot (EELV), qui s'est érigée en meneuse du combat à gauche ces derniers jours à l'Assemblée contre un projet de révision jugé "inutile" et "dangereux", a espéré que les parlementaires "résisteront au chantage" opéré selon elle par le locataire de Matignon.
Bruno Le Roux, proche de François Hollande, a, lui, plaidé auprès des députés de son groupe pour "montrer l'unité de la majorité, pour ensuite mettre le Sénat (à majorité de droite, ndlr) face à ses responsabilités".
Selon un député "frondeur", "ils en sont tous à se dire: qui va récupérer le valet de pique et le mistigri" et "porter la responsabilité de l'échec".
Même image dans la bouche du député LR Claude Goasguen, mais inversée: "il faut que les Français comprennent que le mistigri, ce n'est pas à droite, c'est à gauche".
Côté LR, où seules cinq voix s'étaient élevées début janvier au bureau politique contre la révision, notamment la déchéance, les avis sont désormais "partagés", a reconnu le président du groupe Christian Jacob.
Ils seraient aujourd'hui entre la moitié et un tiers à être contre le texte, à l'instar d'un François Fillon ou d'une Nathalie Kosciusko-Morizet pour qui "le rejet n'est plus loin". Et ce malgré un nouveau plaidoyer mardi de Nicolas Sarkozy pour rester fidèle à des "convictions" et éviter que les Français demandent des comptes à son camp en cas de nouveaux attentats.
Si le texte est adopté, il ira au Sénat après un délai minimal de quatre semaines. Pour pouvoir réunir le Parlement en Congrès, où une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés sera requise pour valider la révision, il faudra un vote conforme des deux assemblées.
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