Si le vote de l'article 1er sur la constitutionnalisation de l'état d'urgence est passé sans encombre lundi soir, dans un hémicycle rempli d'un peu plus d'une centaine de députés sur les 577, celui sur l'article 2, où l'affluence devrait être accrue, promet d'être plus serré.
Quelque 126 amendements sont au menu à partir de 16H30, toujours en présence de Manuel Valls et du nouveau ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas.
Les discussions sur la peine de déchéance de nationalité pour les terroristes, engagées la nuit dernière, ont été dominées jusqu'alors dans l'hémicycle par une majorité d'orateurs (frondeurs, écologistes, quelques LR) opposés à une mesure jugée "de circonstance", "inefficace", contraire aux "valeurs de la République" et source de "divisions".
L'ancien ministre Benoît Hamon a critiqué "une mesure historiquement défendue par l'extrême droite" et "un déni de la responsabilité spécifique de la société française", dans un tacle au Premier ministre.
Si les nouvelles écritures du texte, qui ne font plus référence à la binationalité notamment, en ont convaincu certains, cette version continue d'être refusée notamment par une part des socialistes, dont certains des vice-présidents du groupe ou de l'Assemblée, qui lui préfèreraient par exemple une "déchéance nationale".
Pas question de créer des apatrides, répètent aussi des élus de tous bords.
Sur ce sujet qui remue l'histoire personnelle de certains, Charles de Courson (UDI), ému aux larmes nuitamment, a apprécié la nouvelle rédaction car la version initiale aurait signifié "trahir la mémoire" des siens, dont son "père résistant, qualifié de terroriste par l'occupant nazi" pendant la Seconde Guerre mondiale. Il aurait cependant préféré "l'indignité nationale".
Et, à la veille du vote de l'ensemble du projet de loi, la tension monte.
Dans une mise en garde solennelle, à huis clos, le Premier ministre a prévenu les députés socialistes, en partie toujours récalcitrants, que voter contre cette réforme annoncée trois jours après les attentats du 13 novembre reviendrait à "mettre en difficulté le gouvernement et mettre en minorité le président" François Hollande.
En coulisses, certains députés évoquent des pressions du gouvernement ou du groupe PS en vue du retrait d'amendements sur la controversée déchéance de nationalité, ou du scrutin solennel de mercredi.
"Il y a des dilemmes pour chacun" entre loyauté et fidélité à ses convictions parfois contraires aux voeux de l'exécutif et "de la tension nerveuse", selon un député socialiste.
Les "frondeurs" entendent ainsi voter mardi soir contre l'article 2 sur la déchéance, même réécrit par le gouvernement, et contre tout le projet de révision en l'état, a indiqué à l'AFP leur chef de file, Christian Paul.
Le président du groupe PS, Bruno Le Roux, a notamment plaidé en réunion pour "montrer l'unité de la majorité, pour ensuite mettre le Sénat face à ses responsabilités".
"Ce que veulent les Français, c'est le rassemblement. Pas de la gauche, mais le rassemblement de tous", a martelé devant la presse le locataire de Matignon, plaidant aussi que "la menace terroriste (est) sans doute encore plus importante qu'avant le 13 novembre".
- "Fidèles à nos convictions" -
En cas de nouveaux attentats en France, "on nous demandera des comptes", a aussi argumenté Nicolas Sarkozy lors de la réunion des députés Les Républicains. Le chef du parti et ancien président de la République a notamment plaidé une nouvelle fois pour l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution, "pour rester fidèle à nos convictions".
M. Sarkozy s'en est vivement pris à ceux qui "changent d'avis" comme François Fillon, son ancien Premier ministre qui venait d'expliquer "avoir conclu en son âme et conscience que la révision constitutionnelle n'était ni nécessaire ni? utile".
Bilan: "pas de position unanime du groupe" LR, dixit son président Christian Jacob. Une majorité de ses membres devrait cependant voter la révision, selon plusieurs sources.
Les centristes sont aussi majoritairement favorables au texte, moyennant quelques conditions.
André Chassaigne, patron des députés Front de gauche, vent debout contre le projet gouvernemental, persiste à penser qu'il n'est "pas sûr du tout qu'il y aura une majorité sur le vote de demain" et que "ça ne passera pas forcément comme le président de la République (le) souhaitait".
Les écologistes seront "une majorité à voter contre" la révision, pronostique Sergio Coronado (EELV).
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