Trois ans après le séisme politique provoqué par le mensonge du ministre sur son compte caché à l'étranger, Jérôme Cahuzac comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir "minoré" sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en 2012.
À ses côtés, son ex-épouse Patricia Ménard et leurs conseillers: le banquier suisse François Reyl et l'avocat Philippe Houman. Ils risquent une peine allant jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende.
Les avocats de Jérôme Cahuzac, Jean Veil et Jean-Alain Michel, ont déposé deux "questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC), contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales. L'avocat de Patricia Ménard, Sébastien Schapira, en a fait autant.
"Ce n'est pas parce qu'on est désigné par la presse comme un +paria+ qu'on ne peut pas faire du droit et la QPC, c'est une question de droit", a lancé Me Veil.
"Jérôme Cahuzac souhaite être jugé et le plus vite possible", a affirmé Me Michel, assurant qu'il ne s'agissait en rien d'une man?uvre dilatoire pour retarder le procès ou faire échapper son client à la justice.
Wildenstein Les avocats ont rappelé que M. Cahuzac avait "accepté un redressement fiscal et une majoration de 80%", que ces "sommes ont été payées" et que "même s'il a un droit de recours" vis-à-vis du fisc, "il ne l'utilisera pas".
"Cette affaire est terminée", a martelé Me Veil. "Le cumul des poursuites est irrégulier et contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme", a-t-il dit, estimant que cela posait notamment la question de la "proportionnalité" des sanctions.
Si le tribunal accepte ces QPC, le procès sera reporté de plusieurs mois, comme c'est arrivé récemment au marchand d'art Guy Wildenstein, également jugé pour fraude fiscale et blanchiment. Une affaire citée à la barre, de même qu'un précédent retentissant, celui d'EADS.
Le 18 mars, le Conseil constitutionnel avait décidé de mettre fin à une procédure pénale visant des dirigeants du groupe d'aéronautique et de défense, poursuivis pour délits d'initiés, parce que les faits avaient déjà été examinés par une juridiction administrative, l'Autorité des marchés financiers. Les Sages avaient invoqué un principe fondamental du droit, qui interdit de juger et sanctionner deux fois le même délit.
Dans l'affaire Wildenstein, le président du tribunal a estimé qu'il existait un "doute sérieux" sur un principe constitutionnel, celui énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Selon cet article, également évoqué lundi à l'audience, "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires".
"Double poursuite, double sanction!", a dénoncé Me Schapira, estimant que "le fait que le tribunal ait le monopole de la privation de liberté" -- puisque le fisc ne prévoit que des sanctions financières -- n'était "pas suffisant" pour justifier le cumul des sanctions.
"Il faut considérer la sévérité de la sanction financière", a-t-il plaidé, rappelant que Patricia Cahuzac s'était acquittée d'un redressement majoré, de plus de 2 millions d'euros.
Entrée en vigueur le 1er mars 2010, la QPC permet à toute personne, partie prenante à un procès, de contester une disposition législative au motif qu'elle porterait atteinte aux droits et aux libertés garantis par la Constitution.
Si la question est jugée sérieuse par le tribunal, il la transfère à la Cour de cassation qui peut ensuite saisir le Conseil constitutionnel, appelé à trancher.
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