"Il s'agit de marier les technologies d'impression 3D et la biologie cellulaire afin de fabriquer, couche par couche, des tissus biologiques", résume Fabien Guillemot, ancien chercheur à l'Inserm (Institut national de santé et de recherche médicale) et fondateur de la start-up en 2014.
Car l'impression tridimensionnelle, qui permet la création d'un volume par l'empilement de couches, a ouvert de très nombreux champs d'expérimentation, notamment pour les chercheurs travaillant sur le vivant.
A ce jour, quatre technologies de "bio-impression" coexistent. Mais Poeitis (du grec "fabriquer") est pour l'heure la seule entreprise au monde, selon ses initiateurs, à "imprimer" de la matière vivante grâce à de la lumière laser. "Le laser a plusieurs avantages. Il permet, par sa très haute définition, de reproduire toute la complexité des tissus, avec une précision très élevée. Il permet aussi d'assurer la viabilité des cellules à hauteur de 95 à 100%", explique le jeune entrepreneur.
- Modèles par ordinateur -
Mais alors, comment passe-t-on de quelques cellules mises en culture à la complexité d'un véritable tissu fonctionnel?
"Grâce au laser, l'imprimante dépose des micro-gouttelettes contenant des cellules, couche par couche, selon un modèle prédéfini par ordinateur et inspiré de tissus existants", détaille Fabien Guillemot, dont l'entreprise a déjà déposé trois familles de brevets.
Ces modèles numériques, entièrement mis au point par Poietis, permettent non seulement d'organiser les cellules au départ, mais également d'anticiper la façon dont elles vont interagir dans le temps.
"Avec une précision de l'ordre de 20 microns (ndlr: millièmes de millimètre), soit autour de la taille maximum d'une cellule, le laser permet de guider l'auto-organisation des cellules", explique le chercheur. Trois semaines sont nécessaires pour reproduire de la peau.
Pour l'heure, l'entreprise, qui compte une vingtaine de salariés (biologistes, ingénieurs en optique, informaticiens...), utilise deux imprimantes mises au point avec l'Inserm et le laboratoire Alphanov, dépendant du Pôle de compétitivité bordelais dédié aux lasers.
Mais elle travaille déjà à l'élaboration de son propre outil d'impression, qui devrait être opérationnel d'ici à deux ans.
Si l'objectif pour Poietis est "d'aller en clinique" pour servir à la réparation de tissus, l'entreprise fonde d'abord son développement sur l'énorme potentiel que représentent les tests en recherche cosmétique et pharmaceutique. "C'est pour cela que nous avons d'abord travaillé sur la peau, c'est une vraie opportunité de développement", confie l'entrepreneur, qui vient de signer un partenariat stratégique avec le géant mondial de la chimie, le groupe allemand BASF, fournisseur d'ingrédients pour les cosmétiques.
L'enjeu est d'autant plus grand que les tests sur animaux pour les cosmétiques sont interdits depuis 2013 dans l'Union européenne. Pour la recherche pharmaceutique, il s'agit de reproduire autant des "peaux saines" que des "peaux pathologiques".
- Une levée de fonds de 1,2 M EUR -
La société, qui vient de procéder à une augmentation de capital de 1,2 million d'euros (dont 1 million de financement participatif pour PME), compte valider ses premiers produits et les commercialiser auprès des centres de recherche et de tests d'ici à 2017.
En matière médicale, il faudra être plus patient. Poietis envisage la fabrication de greffons de peau, totalement assimilables par le greffé puisque fabriqués à partir de ses propres cellules, d'ici à dix ans environ.
Mais les expérimentations menées au sein d'un laboratoire de l'Inserm ouvrent déjà d'autres horizons. Des tests sur une souris blessée au crâne ont mis en évidence la façon dont la bio-impression par laser pouvait contribuer à la réparation osseuse directement sur le sujet.
Dans cette perspective, la reproduction d'organes, dans le cadre d'une médecine toujours plus personnalisée, ne semble plus une chimère. Mais derrière la révolution technologique se profile un vertigineux questionnement éthique.
"Nous nous sommes posés une limite", précise sans détour Fabien Guillemot: "nous nous bornons à la réparation des tissus et non leur augmentation ou leur amélioration".
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