Pourquoi cette opposition à la constitutionnalisation de l'état d'urgence ?
"La constitutionnalisation de l'état d'urgence fait peser des interrogations sur le modèle démocratique français. Après les attentats de janvier et novembre 2015, il était parfaitement légitime de le décréter. Mais aujourd'hui se pose la question de sa pérennisation. Il confère à l'exécutif des pouvoirs exceptionnels qui dérogent de manière continue aux libertés fondamentales. Cette réforme permet d'éviter le contrôle de la constitutionnalité par un juge. Si on constitutionnalise l'état d'urgence, on modifie l'équilibre des trois pouvoirs. Il y aurait un glissement vers le pouvoir exécutif au détriment des pouvoirs judiciaire et législatif. "
Mais on pourrait vous opposer le fait que l'état d'urgence est par définition éphémère...
"Plusieurs questions se posent. Combien de temps allons-nous rester dans l'état d'urgence ? Qu'est ce qui justifie qu'on le maintienne aujourd'hui ? Qu'est ce qui justifiera que l'on en sorte ? Oui, nous sommes en guerre contre le terrorisme. Mais cela justifie-t-il que nous restions sous le régime exceptionnel de l'état d'urgence ? C'est vers cela que l'on s'oriente."
L'autre inquiétude du barreau tient au projet de loi sur le renforcement de la lutte contre la criminalité organisée. Quels problèmes pose-t-il ?
"Ce projet de loi renforce considérablement les pouvoirs du parquet et donc des services de police, qui travaillent dans leur immense majorité, avec sérieux. Les fonctions de contrôle du juge risquent d'être amoindries. S'il n'y a pas de juge qui contrôle, alors cela peut conduire à des dérives. On sait très bien, par exemple, la tentation de certains enquêteurs d'abuser de la possibilité de perquisitionner à toute heure du jour et de la nuit sans passer par l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Notre motion sert à alerter à l'opinion publique et aux parlementaires : attention, nous changeons de modèle juridique ; il ne faut pas oublier le rôle des juges."
Au-delà de l'équilibre des pouvoirs, estimez-vous ces mesures efficaces contre le terrorisme ?
"On doit se demander si c'est véritablement le bon moyen pour lutter contre le terrorisme. Ce n'est pas parce que des pouvoirs exceptionnels sont octroyés à la police au quotidien que cela empêchera un homme extrêmement déterminé à commettre un attentat. Je ne suis pas persuadé qu'une loi, aussi généreuse soit-elle avec la police, permette d'empêcher des événements tels que nous en avons connus en novembre dernier. Les vrais moyens pour lutter efficacement contre le terrorisme, ce sont les moyens financiers et matériels, notamment autour du renseignement."
Quelle est la position du barreau sur la déchéance de nationalité ?
"Nous ne prenons pas position sur cette question car elle relève totalement du débat politique."
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