"C'est nous qui faisons le choix", dit Mikael Jonsson, chef du Hedone, installé dans le quartier paisible de Chiswick, dans l'ouest de Londres.
Le Suédois de 49 ans a pris cette décision l'été dernier, après quatre ans à observer le comportement de sa clientèle.
"De plus en plus de clients réguliers ne voulaient pas voir la carte et souhaitaient un menu personnalisé composé par mes soins", raconte-t-il dans la salle de son restaurant. Il affiche une étoile au guide Michelin depuis 2012, soit un an après son ouverture, et figure au classement mondial des "50 Best restaurants" depuis 2013.
"Certains souhaitaient la surprise, d'autres ne savaient pas quoi commander." Alors désormais il décide à leur place, non sans avoir auparavant sondé leurs goûts au moment de la réservation.
D'un point de vue personnel, "c'est super intéressant de travailler comme ça, affirme-t-il. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas".
Pour préparer les sept à dix plats différents qu'il propose chaque soir, tout dépend du marché du jour. Ce qui lui permet de miser encore davantage sur la qualité et d'offrir des produits rares.
"Si on a du bar à la carte et qu'elle n'est renouvelée que tous les deux mois, il est impossible d'offrir un bar d'exception tous les jours. Maintenant si je ne trouve pas le bar que je veux, je propose un turbot ou un autre poisson", dit-il. "Je peux aussi me permettre de servir de la bécasse à une table et du lièvre à une autre parce que je n'en aurai pas assez pour tous."
Autre avantage : il y a moins de pertes. "On sent la différence, surtout pour les produits de la mer et la pâtisserie qu'on peut désormais préparer à la dernière minute."
- "Économiquement intéressant" -
Hedone reflète une tendance, constate William Drew, directeur des "50 Best", due à la rencontre entre le désir des convives d'être surpris à une époque où Instagram leur révèle tout des plats qu'ils vont déguster avant même d'avoir franchi la porte d'un restaurant, et l'intérêt des restaurateurs.
"Pour les convives, l'idée est d'avoir une expérience sur mesure qui corresponde à leurs besoins mais, en pratique, cela offre aux chefs davantage de liberté, notamment concernant la disponibilité des ingrédients."
La tendance, observée également en France ou à New York, devrait rester cantonnée aux lieux qui attirent les passionnés de gastronomie, selon M. Drew. "Il faut gagner le droit de travailler ainsi, avoir une réputation qui fait que les convives font confiance au jugement du chef et son équipe."
Si les adresses se multiplient à Londres, comme le restaurant spécialisé dans les sushis Araki (deux étoiles au Michelin), qui propose un menu unique, ou l'Hibiscus (deux étoiles), qui a allégé sa carte du soir, la tendance essaime également hors de la capitale.
Le Checkers, à Montgomery, au pays de Galles, a ainsi décidé de ne servir que cinq à neuf plats par jour.
"Ce nouveau format permet à nos équipes en cuisine d'avoir davantage le contrôle sur ce qu'ils préparent", explique Kathryn Francis, la directrice du restaurant une étoile au Michelin.
Il permet aussi d'éviter la "frustration" de devoir jeter de la nourriture, souligne-t-elle car même avec la meilleure volonté du monde, avec un menu à la carte "il y aura toujours des pertes".
Or, le gâchis passe de plus en plus mal et "les clients veulent savoir que nous sommes responsables", dit-elle.
Et c'est aussi économiquement intéressant dans une profession où les marges sont très serrées, souligne-t-elle. "Cela permet d'offrir le meilleur à nos convives tout en gérant une affaire en bonne santé et qui fait des bénéfices."
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